Obsolescence programmée ou quelle voix pour ta SF ?

Lorsque la revue Bifrost (publiée par le Bélial) est née, y’a beaucoup d’années, j’étais ravie : oh, une revue SF en librairie ! On était en 1996, Internet démarrait à peine, on ne pensait pas encore à des sites d’actu en ligne ou à des blogs…
Je vais même ajouter que, à cette époque, j’étais une jeune femme. Optimiste1. Je pensais que les salaires des femmes et des hommes étaient équivalents et des tas de trucs du même genre.

Et puis il a bien fallu ouvrir les yeux. Si Bifrost était une des rares revues de SF, c’était aussi un boys’ club qui s’imaginait les rois de la montagne. Ce tournant, je le place en 2011.
Pourquoi 2011 ? Parce que c’est cette année-là qu’ils ont publié un torchon sous prétexte de décerner leurs Razzies annuels.
— Ah ah, c’est de l’humour, tu comprends rien !
Je ne me souviens pas de ce que j’en ai dit à l’époque car j’ai perdu pas mal de billets au cours de mes déménagements (webesques) successifs, mais Lucie Chenu a écrit sur le sujet et me mentionne : Razzies 2011 : quand la mauvaise foi se confond avec la diffamation. (Oui, le titre est un bon résumé.)

Au fil du temps, j’ai donc fait plus attention à leurs agressions, qui visaient sans surprise principalement les autrices.
Il y a un an, à l’occasion de son numéro sur Octavia E. Butler, la revue se parait d’une couverture… raciste.
— Pourquoi tu dis que c’est raciste ?
Franchement, je ne suis ni ta mère ni ta prof. Si tu ne vois pas le racisme de l’illustration, je ne peux rien pour toi.

Un an plus tard, same player, same game : couverture sexiste pour Anne Rice.
Luce Basseterre en a parlé sur Facebook et plusieurs autrices se sont jointes à ses remarques.
Prise de conscience de la rédaction ?
Malgré leurs grandes déclarations d’intention qu’ils ont changé, qu’ils sont plus ouverts, que… c’était peu probable qu’ils soient sortis du 20e siècle s’ils étaient OK avec leur racisme en 2022.
Bref, on a eu droit à tous les ouin ouin habituels des mascus dans ce genre de cas.
Et, comme une couverture sexiste ne serait pas complète sans son édito qui craint, le challenge a été relevé.
— Hein ? Quoi ?

ActuSF a annoncé sa liquidation en septembre et j’en ai notamment parlé dans un billet.
On peut très bien penser qu’ils n’ont pas été les meilleurs gestionnaires du monde, ça arrive, ce n’est pas un crime, toujours est-il qu’ils avaient une ouverture que le Bélial n’a pas.
Parce que, bon, le catalogue du Bélial n’est pas super lisible en ligne donc des pépites peuvent se cacher dans les trous de la Toile, mais, majoritairement, leur catalogue, c’est des mecs, des anglosaxons, des noms connus. Je ne dis pas qu’il ne faut pas les publier, mais ce n’est clairement pas l’éditeur qui prend des risques et œuvre pour la SF française2.
Et donc, dans son éditorial, au lieu de se taire, par respect pour le collègue qui a mis la clé sous la porte ou de dire un ou deux mots polis, Olivier Girard, le rédac’chef de Bifrost et éditeur du Bélial, se fout de la gueule de celui qui a osé, de celui qui a ouvert son catalogue.

Alors, en réalité, il a le droit, hein.
Quand tu es toujours debout et que l’autre est à terre, tu peux choisir de te moquer.
D’ailleurs, tu as raison, ça prouve que tes choix sont les bons puisque tu es toujours là.
Ouais… En même temps, quand tu es toujours debout parce que tu ne prends pas de risques, parce que tu restes au siècle précédent, tout en distillant ton venin sur les autres, les femmes et tous ceux qui ne sont pas tes potes, t’es toujours debout, mais ça n’a aucun intérêt pour la majorité qui n’est pas avec toi.

Maintenant, je vais reprendre ce que j’ai dit dans mon billet de septembre : une revue-papier en 2023, ça a du sens ?
Il y a quelques jours, je parlais du prix du livre et autres considérations et Matthias Wiesmann a rebondi avec un billet où il évoque notamment la dinguerie du papier : on produit du papier pour des produits jetables qui encombrent plus qu’ils ne sont lus.

— Ouais, mais Bifrost est une des rares revues de genre et c’est trop cool et ils ont des critiques et…
Réveille-toi !
Il y a plein de sites consacrés à l’actu SFFF et des blogs.
— Oui, mais les critiques de Bifrost, elles sont meilleures parce que…
Bien sûr que non. Il y a de bons chroniqueurs chez Bifrost et des mauvais, comme c’est exactement le cas sur tous les autres sites en ligne et chez les blogueur·ses.
Sauf que si tu n’explores pas ces sites, tu n’en parles pas… tu étouffes l’info et la diffusion.

Alors tu as le droit, hein, d’avoir ton aberration écologique à toi, on a tous de mauvaises pratiques à se reprocher, tu as le droit de te reconnaitre dans une ligne éditoriale tenue par des boomers qui ne sont pas capables d’ouvrir les yeux sur leur racisme/sexisme… mais, si l’on veut promouvoir la SF en France, si l’on veut promouvoir nos auteurices, si l’on veut briller un peu… ils ne seront pas dans la danse.
Et le site d’ActuSF est sans doute bien plus utile que Bifrost.

— Mais, du coup, là, ton billet, c’est plus un coup de gueule qu’une info ! J’ai rien appris !
Ouais… Voilà, c’était samedi soir, moi aussi, je peux avoir des humeurs.

Parce que, tu vois, dans mon précédent billet, j’évoquais le sujet du livre de genre en France et il faut être très réaliste. Il y a peu d’éditeurices SFFF et, pour être pérennes, chacun·e d’elleux ne doit pas publier plus de 25/30 titres par an. Si tu ôtes quelques classiques, des valeurs sures pour faire un peu d’argent, un peu d’auteurices internationales parce que le français ne cause pas super bien anglais, il n’y a quasi aucune place pour de nouvelles plumes et, rapidement, tu vois que les « nouvelles » plumes, ce sont deux/trois personnes qui vont rester « nouvelles » quelques années.
Je ne blâme personne : y’a pas le choix. Dans le système actuel, du livre, capitaliste, on ne peut pas faire mieux.
En parallèle, on a peu de festivals de genre et un public qui ne se renouvelle pas forcément.
— Ouais, t’exagères, on a les Utopiales et…
Vraiment ? UN gros festival à l’échelle d’un pays comme la France, ça suffit ?
Pendant ce temps-là, de grosses conventions geeks représentent l’imaginaire en France : jeux vidéo, mangas, Cosplay…

Alors, on a tous le droit d’être le vieil oncle raciste de Noël, hein…
Le souci, c’est que, pendant qu’on se satisfait de l’obsolescence, on est absent de la réalité.

  1. Tu veux dire naïve… ↩︎
  2. Sérieux, si tu me sors un ou deux titres d’une nana débutante en me disant que, si, ils font le taf, je ne vais pas te suivre ! ↩︎

Du prix du livre, de l’édition d’imaginaire, du JdR et de la CNL…

Hier, l’émission La Science, CQFD recevait Jérôme Vincent (ActuSF), Mireille Rivalland (l’Atalante) et Olivier Girard (le Bélial).
Si ActuSF a fermé ses portes début septembre, Jérôme annonce qu’il y a actuellement l’examen de deux offres de repreneurs et ces trois maisons d’édition sont plus que représentatives de l’édition indépendante en littérature de l’imaginaire.
L’émission, titrée « Littératures de l’Imaginaire : des éditions sur le fil », est plutôt technique car elle parle surtout du métier, des chiffres…

Le fait est assez connu, mais de récentes discussions sur les réseaux m’ont fait douter des idées répandues sur le sujet alors j’ouvre une parenthèse :
En France, nous avons la loi sur le prix unique du livre. Je vous mets le lien vers la fiche sur le site de Service-public.
C’est une spécificité nationale et, concrètement, il en découle que
en tant que lecteurice, peu importe où tu achètes le produit (petite librairie de quartier, grande surface, site en ligne…), le prix sera toujours le même donc tu n’as aucune raison de comparer les prix : tu vois, ça te plait, tu peux acheter… donc tu vas volontiers acheter dans un magasin de quartier ;
la rémunération de l’auteurice est un pourcentage du prix public du livre donc, peu importe où tu l’achètes, lae créateurice est rémunérée de la même façon.
Concrètement, c’est donc une mesure qui permet principalement que les librairies continuent d’exister puisqu’elles restent concurrentielles : la différence, pour l’acheteur·se ne se fait jamais sur le tarif, mais sur les services associés (conseils, accueil, praticité…).

Dans l’émission, les 3 éditeurices abordent la question du retour des livres. Iels expliquent bien le truc donc je ne vais pas m’étendre dessus et, sur la fiche de Service-public, il y a un onglet sur ce point.

Dans le secteur ludique, il y a des boîtes de jeux de société, mais il y a également des livres de jeux de rôle. Ce qui entraine une petite spécificité : les livres de JdR sont des livres, donc sont soumis à cette loi sur le prix unique, mais sont diffusés par des boutiques de jeux et non des librairies.
Pourquoi je vous glisse cette info ici ? Parce que les boutiques et les librairies ne sont pas dans la même chaine économique et je vais vous en reparler un peu plus en détails plus bas, mais, déjà, au niveau des Vagabonds du Rêve, nous avons fait le choix d’avoir un distributeur pour nos jeux, mais pas pour nos livres.

Le Centre National du Livre (CNL) est un organisme d’Etat pour soutenir le livre et la lecture. Si l’on va sur son site et que l’on regarde les domaines littéraires soutenus, on y lit explicitement que les jeux de rôle n’en font pas partie.
La Fédération Française de Jeu de Rôle (FFJdR, dont je suis l’une des administratrices au moment où je rédige ce billet) a décidé de s’attaquer à cette question.
Pourquoi le livre de JdR ne serait pas subventionnable comme n’importe quelle autre création littéraire ?
Ici, je ne vais pas préjuger de la suite. Je pense que c’est un dossier sur le long terme, je ne sais pas s’il aboutira ou non, mais l’essai me semble tout à fait légitime.

Une chose très curieuse s’est produite.
Lorsque la FFJdR a communiqué sur ce projet (qui peut ne pas aboutir, mais qui ne nuit strictement aux intérêts de personne), des gens se sont offusqués :
Leur point de discorde était que, si le JdR devenait subventionnable par le CNL, la politique des retours s’appliqueraient désormais au jeu.
Hein ? WHAT ???
La loi sur le prix unique du livre s’applique déjà aux livres de JdR, la question des retours est en lien avec cette loi et ça n’a absolument rien à voir avec ce que le CNL soutient ou pas.

Le souci actuellement avec la décision du CNL, c’est que cela revient à classer les JdR avec les manuels et autres dictionnaires, comme s’ils rendaient compte de faits et comme si ce n’était pas des œuvres artistiques — alors que c’est ce qu’ils sont.

Mais, du coup, pourquoi les livres de JdR ne sont pas soumis aux retours ?
« Le droit de retour est un usage commercial qui autorise un libraire à renvoyer un livre non vendu. »
C’est un usage commercial, pratiqué par les librairies et les distributeurs qui travaillent avec les librairies — et lié au système particulier de l’office ; je vous mets le lien vers Wikipédia où c’est clairement expliqué.
Ce n’est pas une pratique du secteur ludique. Quand une boutique de jeux achète des jeux, elle achète des jeux de plateau, des boîtes, des cartes… et des livres, donc.

Ensuite… Lors de l’émission, Olivier explique que cette politique des retours est lié à la loi sur le prix unique, que cette loi protège les librairies, mais, comme l’émission en parle, les retours sont un souci structurel de la chaine du livre.

Je vais vous faire un aveu ? Je ne m’étais jamais posé la question.
Comme je ne fais que de la vente ferme avec les Vagabonds (donc pas de retours possibles), je ne suis pas allé regarder le détail des textes sur ce point. C’est ce que je vous précisais plus haut : si nous avions un distributeur pour notre activité Littérature, nous devrions nous soumettre à la politique des retours, ce que nous refusons catégoriquement (pour les raisons financières, éthiques, écologiques…).
Et, ce soir, je découvre :
« Les ouvrages invendus pouvant bénéficier du droit de retour sont les suivants : L’office (service d’envoi aux libraires par les diffuseurs de nouveautés ou de réimpressions), sauf exceptions (livres scolaires par exemple). Ces ouvrages figurent dans la grille d’office, qui indique la quantité voulue par le libraire pour chaque ouvrage.
Le noté (commande supplémentaire d’ouvrages faisant partie de l’office) bénéficie généralement des mêmes conditions que l’office. »
Les retours ne peuvent pas s’appliquer aux commandes « normales », i.e. quand on te contacte pour avoir quelques exemplaires parce qu’un·e client·e a parlé de ton bouquin.
Sauf que, en tant qu’éditrice, souvent, quand une librairie me contacte, elle me demande mes conditions et c’est à moi de lui opposer que nous ne faisons que de la vente ferme alors que… ça ne peut être que le cas !

Sinon, dans les autres points intéressants que j’ai notés, il y a une comparaison qui est faite entre les nécessités des éditeurs indépendants et celles des grands groupes et je vais extraire :

1/ Pour faire face à ce problème de risque d’emballement lié à cette existence des retours, Mireille et Olivier évoquent le fait que, chaque année, iels ne publient qu’un nombre limité (bien défini) de titres. Iels ne font pas de course à la trésorerie.
C’est à la fois sain, mais… impératif, je dirais.

2/ En parallèle avec ce 1/, il apparait que, contrairement aux autres secteurs du livre, la part du chiffre d’affaire liée au fond (en concurrence avec les nouveautés) est plus importante (50 % au lieu de 30 si j’ai bien entendu/retenu).

Je crois que c’est Olivier qui précise que l’édition indépendante doit donc travailler sur des années, voire des décennies, et il cité notamment le succès tardif de Game of Thrones.

Voilà, je vous ai livré ici quelques retours parce que cette émission est intéressante et cela fait également suite aux échanges que j’ai pu avoir à Octogônes, notamment avec des éditeurices et ma casquette FFJdR.

Plus haut, il y a des points techniques (juridiques ?) sur lesquels je peux avoir commis une erreur d’interprétation. Si c’est le cas, n’hésitez pas à me les signaler en commentaires (et j’éditerai au besoin).
Comme ce billet est crossposté sur mon blog et sur la #TribuneVdR, afin de ne pas perdre d’éventuelles discussions, les commentaires ne seront ouverts que sur la Tribune.

Dans le JdR, les illustrations générées par IA popent…

En ce moment, dans le monde du jeu de rôle, on voit fleurir des projets illustrés via des appli-IA.
Je n’ai rien contre l’IA (au sens donné dans ce contexte), a priori, c’est un outil et un outil n’est ni bon ni mauvais par essence. Le souci actuel de ces applis, c’est qu’elles volent le travail d’artistes1. Donc qu’on l’utilise pour un usage perso, genre illustrer sa partie de JdR entre potes, pourquoi pas ? Ou par curiosité…
Mais qu’on l’utilise sciemment pour commercialiser un produit, clairement, on franchit une ligne éthique.

— Oui, mais, moi, j’ai écrit un super JdR et je n’ai pas les moyens de payer un·e illustrateurice et, sans ça, mon projet n’est pas valide…

En fait… il n’y a rien qui va dans cette démarche.
On écrit un jeu de rôle, sachant que c’est un jeu qui va se transmettre à l’oral, via des mots.
En dehors des mots (et des tables de résolutions si besoin), il n’y a rien d’indispensable.

— Oui, mais, sans illustrations qui claquent, personne ne va venir vers mon stand en convention !

Quand on mène un projet, il faut savoir où l’on va.
Si l’objectif est d’écrire un jeu et, une fois qu’il est écrit, de le mettre à disposition du public, il n’y a absolument pas besoin de le faire illustrer. Parce qu’on ne vend pas des illustrations, on vend un matériel écrit (un monde, des idées de scénarios…).
Soit on estime que c’est suffisant, soit on pense qu’on a besoin d’illustrations pour s’immerger, pour compléter le propos… et on se met en quête : d’illustrateurices qui aiment notre jeu et veulent participer à l’aventure, d’un·e éditeurice qui y croit et investit…

Parce que, en vrai, quand on choisit de passer par une appli-IA pour doter son jeu de dessins tout en couleur qui pètent, on ne recherche pas une équipe, des artistes… pour bosser avec nous. On ne recherche pas un·e autre artiste qui va renforcer ou compléter notre propos.
On pense que le jeu ne vaut pas grand chose, on n’y croit pas vraiment et on cherche des visuels pour vendre des visuels aux joueur·ses. Parce que lae joueur·se lambda, iel va être impressionnée, iel va penser que c’est un « beau » produit.
Sauf que ce qu’iel achète, ça n’a rien à voir avec notre jeu.

Récemment, j’ai vu passer une aide de jeu ou monde (je n’ai pas fait attention) où, a priori, il y avait quelques textes et une blinde de visuels générés par IA. Et les joueur·ses étaient contentes parce que ça claquait et la personne productrice se présentait comme autrice-illustratrice de… deux/trois lignes ?

Et vous savez quoi ?
Je ne vais pas lancer de tomates sur ces auteurices qui veulent se croire aussi grosses que le boeuf (parce que, bon, déjà, au prix des tomates, je ne les lance sur personne !). Ce qu’ils font est vide ou ils le perçoivent comme vide.
S’ils n’ont pas assez confiance en leurs textes pour les présenter tels que, s’ils n’y croient pas, pourquoi y croirais-je à leur place ?

Ce qui me gêne, c’est l’attitude du consommateur.
Parce qu’on doit acheter de la nourriture et d’autres trucs indispensables et qu’on ne peut pas toujours consommer éthique, faute de moyens ou d’informations.
Mais, quand on choisit d’alimenter l’égo et le porte-monnaie de fake créateurices, on agit consciemment et pas pour un monde meilleur.

  1. Je précise que je parle ici des Midjourney-like et non d’applis alimentées de manière correcte. ↩︎

Où elle monologua sur les couvertures, mais pas que

Lorsque j’ai débuté dans le fanzinat (début des années 1990), je me suis demandée pourquoi certains fanzines (et jeux aussi !) mettaient des illustrations dans leurs pages.
Je sais qu’il vaut mieux dire « ça ne me plait pas » plutôt que « c’est moche », mais c’était juste moche en fait. Ce n’est pas parce que tu mets des traits sur une feuille que ça devient un dessin.
Je n’ai jamais eu la réponse. Au lieu de trucs moches, ils auraient pu juste mettre des titres gros et bien écrits. Surtout que les fanzines s’achetaient par correspondance, sur leur contenu. Si on cherchait un scénar ou une aide pour son jeu préféré, c’était le nom du jeu qui allait déclencher l’achat.
Puis les photocopies valaient une blinde, on avait plus intérêt à réduire qu’à augmenter la surface occupée par le contenu…

Le temps a passé et les produits ont carrément changé.
Dans le jeu (de rôle, de plateau, vidéo…), il y a une culture de l’illustration et je comprends. On veut proposer une ambiance, on s’immerge.
Bon, ça me déçoit toujours quand un jeu de plateau a des illus trop mignonnes et qu’il est naze, mais je comprends.
Le jeu est lié au visuel.

Dans les littératures de genre, les couvertures doivent être illustrées.
POURQUOI ???
Vraiment, pourquoi ?

Je peux entendre plein d’arguments :
– il faut se démarquer en librairie : oui, parce que les autres le font donc on craint d’être « différent » sur le rayonnage… dont le livre disparaitra très vite, en fait ;
– c’est plus joli : OK… mais c’est un livre, pas un tableau ; dans la bibliothèque, on ne verra plus que la tranche ;
– parce que, du coup, le bouquin sera instagramable. Sérieux ? C’est les réseaux sociaux qui sont les arbitres de l’élégance ?

… non, en fait, je sèche, je ne sais pas pourquoi.

Le seul usage que j’imagine, c’est en festival ou sur la table du libraire, pour déclencher l’envie d’être pris. Lae lecteurice saisit le bouquin, mais l’achètera-t-iel s’iel n’est pas convaincue par le 4e de couv’ ou les premières pages ?
Quand je vois certaines couvertures de littérature blanche avec des photos random, genre des vieux tableaux ou des objets posés là « comme ça », je doute que ça ait décidé l’acheteur·se.

En fait, je bloque quand je ne vois pas l’intérêt de quelque chose.

Alors, oui, bien sûr, quand une illustration spécifique a été réalisée pour une œuvre parce qu’une illustrateurice a lu le texte, l’a aimé et en sort ce que cela représente pour elle/lui, ça a du sens… mais on sait que ce n’est pas la configuration principale, non ?
Combien de fois la couverture nous évoque réellement le texte ?

Le dernier livre que j’ai acheté en librairie est un Pratchett. Je voulais ce titre spécifiquement, en poche pour qu’il ne me soit pas trop cher et en papier car je n’ai pas de liseuse. Le nom de l’illustrateur est marqué en tout petit, si petit qu’on dirait qu’on a simplement voulu l’effacer.
J’ai googlé son nom (après avoir réussi à le lire en le photographiant pour l’agrandir).
Si je m’en étais tenue à l’illustration de cette couverture, toute petite, ben… j’oublierais immédiatement ce gars. Je découvre ses œuvres sur son site et, clairement, si je parcourais une expo de lui, irl ou virtuelle, je prendrais le temps de regarder.
Bref, cette couverture ne m’a pas donné envie d’acheter (quand tu vas acheter un Pratchett, aujourd’hui, tu sais quel titre et pourquoi) et ne m’a pas fait découvrir l’artiste (bon, OK, si, du coup, mais parce que je suis en train de rédiger ce billet et que le livre est posé sur mon bureau).

— Hé, mais qu’est-ce que tu nous racontes ? Tu as bien édité des livres avec des couvertures illustrées et tout !
— C’est vrai.

Par exemple, pour l’anthologie Terre 2.0, nous avons repris en couverture l’illustration de l’affiche réalisée par Guillaume Tavernier pour Nice Fictions.
Cela avait un sens car c’était l’antho du festival, donc le lien était direct.
Ou, pour Rébellion saurienne, je suis très heureuse d’avoir fait appel à une illustratrice que j’apprécie, qui a lu le texte et l’a vraiment illustré (au sens littéral : elle a illustré ce qu’elle avait lu et n’a pas fait un dessin selon mes instructions éditoriales).
Mais, en dehors de ces rencontres spécifiques, j’ai le sentiment qu’on tombe juste dans l’exercice imposé « il faut une illustration ».

En tant qu’éditrice, mon travail est de trouver des textes, de les sélectionner, de les faire retravailler, de les corriger…
Mon travail n’est pas de publier des illustrations (côté littérature — ça ne s’applique pas au jeu de rôle ou si je publiais des romans graphiques/bandes dessinées, hein).

C’est encore plus évident pour le livre numérique dont la couverture se déclinera en N&B sur une liseuse.
Autant je peux croire que lae lecteurice soit attirée par la couverture du format papier posé sur sa table de chevet, autant cela n’a plus de sens (me semble-t-il) quand le livre devient un titre dans une longue liste numérique.

Parce que je tourne la question dans tous les sens et je reviens toujours au même point.
Le livre restera peu sur un stand ou une table en librairie, il sera surtout acheté après les recommandations d’une critique, d’une blogueur·se, d’une influenceur·se, d’une ami·e…
Et il finira sur la tranche.

Alors, certes, certaines collections sont très harmonieuses, leurs couvertures étalées côté à côté, mais… entre des essais parfois réussis et une véritable obligation, systématique… il n’y a pas tout un monde ?

J’ai la même frustration d’incompréhension avec Instagram.
Je ne dénie pas l’utilité des réseaux sociaux surtout si, comme moi, on est investi dans plusieurs projets/associations, mais, au lieu que leur usage soit calqué sur leurs performances, il se fait par tranche d’âge.
— Si tu veux toucher les jeunes, tu dois être sur Insta. Y’a que les vieux sur FB !
— OK…
mais what ???

Je ne suis pas mannequin, photographe, illustratrice…
Je n’ai même pas de photos de plats à partager !
Alors, oui, j’ai bien un compte Insta car je joue le jeu de l’expérimentation, mais à quel moment cela a du sens d’y être présent en tant qu’auteurices ?
Et, oui, j’ai regardé des comptes d’écrivain·es et… je trouve ça… insensé, en fait.

Pour le coup, pour une écrivain·e, Twitter me semble limite plus pertinent.
— Ouais, enfin, comme chaque tweet est limité en signe, iels font des enfilades de tweets et s’arrachent les cheveux parce que le 1er d’une file de 25 a une faute d’orthographe qu’iels ne pourront jamais corriger !
— Yep…

— Mais, du coup, pour Nice Fictions, tu cherches bien une nouvelle illustrateurice pour chaque édition ?
— Comme je l’ai écrit plus haut, j’aime comprendre le sens de ce que je fais.
Nice Fictions est un festival où les arts plastiques sont présents. L’illustrateurice de l’affiche expose sur place. Son œuvre est visible, se déclinera en affiches/posters. Lae specteurice est invitée à sa rencontre spécifique.
Sur les murs de ma chambre, à côté d’affiches de Nice Fictions, j’ai l’affiche des Utopiales 2019. Parce que j’ai aimé l’illustration et que cela marque un moment.

Ma mère étant peintre et illustratrice, depuis toute petite, je l’ai vue avec des crayons, des pinceaux (bon, elle a une tablette now) et j’aime le dessin, la peinture, la photo… mais je ne comprends pas qu’on l’immisce de force dans l’écriture/littérature.
J’ai très envie de faire des webtoons par exemple, mais j’y pense en tant que tel, pas pour mettre des illustrations « pour en mettre », mais bien en me demandant comment cela transformerait ma narration (mais, bon, c’est mort, je n’ai pas de coéquipier·e en vue).
Ca me fait le même effet que certains restos qui te servent des desserts alors qu’ils n’ont pas de pâtissier. Tu as mangé un délicieux plat, tu vois une liste de desserts, tu te laisses tenter et tu te retrouves avec une pâtisserie Picard (ne vous y trompez pas, j’aime plusieurs de leurs desserts, mais, quand j’en ai envie, je vais m’en acheter, j’attends une autre expérience en resto) ou carrément moins bien.

Voilà, tout ça pour vous avouer que cela fait plusieurs années que je tente de convaincre l’équipe des Vagabonds qu’on peut sortir un livre sans illustration sur la couverture.
— Mais ne crains-tu pas la réaction du public, en mode « ce n’est pas un vrai bouquin de genre » ?
— Si, forcément. Quand tu vas sortir de la norme, tu sais qu’il va y avoir des réactions inconfortables.
Mais je prétendrais que c’est parce que c’est de la littérature générale.

D’ailleurs, tiens, c’est quoi cette distinction entre littérature générale et littérature de genre ?
La littérature, c’est de la littérature.
Tout texte appartient à un ou plusieurs genres selon sa nature et ce qu’il raconte (forme poétique ou théâtrale, drame ou comédie, romance ou polar…).
— Du coup, si tout n’est que littérature, pourquoi, en tant qu’éditrice ou organisatrice d’évènementiel, tu t’es spécialisée ?
— Quand tu ouvres un restaurant, tu ne mets pas tout ce que tu aimes/sais faire au menu. Tu décides de ce que tu as envie d’apporter dans le quartier/la ville où tu t’installes.

Mais parler de « littérature de genre » (oui, OK, je l’ai écrit en début de billet) est un non-sens…
Et imposer des normes arbitraires dans une catégorie qui n’existe même pas… très peu pour moi.

Bref, je ne me forcerai plus 😉

Pourquoi publies-tu des livres ?

Commençons, comme il se doit, par un petit résumé des épisodes précédents :
Dans les milieux du livre (bande dessinée incluse), on apprend que le marché est en surproduction et que les auteurices sont les grand·es perdant·es.
Récemment, quelqu’un·e me faisait remarquer que, plus jeune, il y avait peu de livres de fantasy et qu’elle pouvait suivre plus ou moins la production, mais que, désormais, quand il flânait dans une librairie, elle ne savait que choisir entre les centaines de versions d’une même quête, du même assassin sombre qui…, du…
Je pose toute suite un bémol : liberté, choix, c’est cool. Si l’on a vraiment le choix, i.e. accès de la même façon à tout. Et on sait bien que ça n’est pas le cas : nos choix vont être contraints par les campagnes de com’ et le placement en librairies.

Je suis écrivaine. C’est une donnée comme ma taille, mon poids, la couleur de mes cheveux.
J’ai mis longtemps à réaliser pourquoi ça me définissait, mais ça me modèle énormément : que j’écrive un billet de blog ou un statut sur un réseau social, je me relis mille fois en me demandant si ce sont les bons mots. Que je raconte la moindre histoire à un pote croisé dans la rue et je me demande s’il peut comprendre, si j’ai situé les personnages, si l’anecdote est assez intéressante. Je décortique les films, les séries, les gens dans la rue (hein ? what ???).
Bref, j’aime écrire, j’aime la narration. Je dévore les histoires car c’est ce que je préfère (hormis le chocolat, disons).

Nous voici au cœur de la question. J’ai bien conscience que je suis candide, que je dois avoir oublié des milliers de paramètres, mais… pourquoi mes ami·es, mes collègues écrivain·es continuent-il/elles ?
Je ne parle pas d’écrire, hein, mais de proposer leurs écrits aux éditeurs.
Il me semble que se faire éditer a du sens si, tout à la fois (ou au moins l’un des deux), on en retire un revenu et on se fait connaître (on écrit pour raconter une histoire aux autres).
Je mets volontairement de côté les faux écrivains, vrais enfoirés, qui sont publiés alors qu’ils n’intéressent personne parce qu’ils font partie d’un milieu qui s’auto-entretient.
La/le vrai·e écrivain·e. Pas non plus celle qui est si connue qu’elle se retrouve dans les meilleures ventes.
Non, celui qui a une bonne histoire, un style assuré, mais dont le roman restera seulement quelques jours en rayon parce que la surproduction presse derrière.

Parce que, sur un coup de chance, le livre pourrait se dégager du lot ?
Qui mise sur la chance ?
Parce qu’il n’y a pas d’autres solutions ?

Je suis très embarrassée parce que je ne comprends pas.
Sans les auteurices, graphistes… il n’y a pas de livres, non ?
Sans artiste, au mieux, l’éditeur ne peut qu’embaucher des pigistes pour une commande. Soit ce produit satisfait le lectorat et, tant pis, c’est la loi du marché. Soit le lectorat n’est pas dupe et il retournera vers les artistes, où qu’ils se trouvent… non ?

Alors, oui, cela demande beaucoup de courage, de solidarité.
Parce que, pour que ça fonctionne, il faudra de la patience (en années, pas en mois), il faudra des visionnaires (parce qu’il n’est pas toujours aisé d’inventer de nouvelles solutions), il faudra de l’entraide, des écrivain·es un peu connu·es qui s’affichent aux côtés des talents émergents.
Mais n’est-ce pas plus réconfortant de tenter une aventure qui peut avoir une issue favorable plutôt que de suivre un chemin tout tracé qui ne conduit qu’à l’échec ?

— Ouais, mais, là, en gros, tu condamnes des tonnes de métiers, quoi : imprimeurs, libraires, éditeurs… ?
— Alors pas forcément et, si oui, quelle importance ?
Tous les métiers évoluent, c’est comme ça. Maintenir des emplois, c’est veiller à construire une société où chacun·e puisse évoluer professionnellement, pas entretenir des métiers qui ne servent à rien.
Et où est-il écrit que les artistes devraient se sacrifier pour entretenir une chaîne du livre qui ne fonctionne pas ? Parce que je n’ai lu nulle part qu’elle fonctionnait.
J’ai lu des articles sur des auteurices qui ne s’en sortaient pas, mais également sur des éditeurs et des libraires.

En 2000, j’avais une petite maison d’édition, Oxalis éditions. Parce que j’adore fabriquer des livres. Sérieux, c’est vraiment agréable. J’ai découvert la chaîne du livre, les retours des libraires…
Je me suis posée et je me suis dit : « Putain, Cenli, ce n’est juste pas viable du tout, ça n’a pas de sens ! »
C’était il y a 20 ans. Depuis, je n’ai rien vu qui laisse penser que cette économie soit devenue sensée, hormis pour quelques grosses boîtes élues. Je vois surtout des éditeurs qui ferment.
Quand on a lancé les Vagabonds du Rêve, on a volontairement choisi la forme associative : aucun employé, aucun local, aucune charge fixe. Les artistes sont rémunéré·es en droit d’auteur, donc sur les ventes. Et la littérature n’est vendue que sur la boutique en ligne. Le jeu de rôle est distribué en magasins spécialisés parce que, dans le jeu de rôle, ce sont des ventes fermes.
— OK, ça, c’est en tant qu’éditrice, mais en tant qu’écrivaine ?
— Ben, déjà, la nature m’a fait partir avec un gros handicap : je suis nouvelliste.
Forcément (on doit être nombreux dans ce cas), je suis passée par plein d’étapes, genre « et si j’écrivais un roman ? » ou « quelqu’un va bien finir par remarquer mes nouvelles ! »
Écrire un roman ? Pas forcément une œuvre à laquelle je tienne, non, un produit simple, formaté, un exercice relativement facile quand on peut aligner plus de 5.000 signes/heure. En quatre mois, tu as un premier jet. Mettons que tu t’accordes le même temps de relecture. En moins d’un an… et puis ? Tu ajoutes un titre de plus dans une surproduction qui te noie toi-même en tant que lectrice ? Ça te fait vraiment vibrer ?
En tant qu’écrivaine, pour l’instant, je pense qu’il n’y a rien d’attirant dans la chaîne du livre. Je vais continuer à poser des questions candides, continuer à suivre l’actualité, continuer à observer.
— Mais tu n’écris plus ? Tu ne vas plus proposer d’histoires aux gens ?
— Ben, si, il y a ce blog.
— Personne ne le lit !
— Et ? Quelle différence avec un livre posé quelques jours en librairie et que personne ne verra ?

PS : Je ne lis l’article qu’aujourd’hui, mais il date du 6. Samantha Bailly répond à ActuaLitté.
L’idée est de faire évoluer le milieu. Je pose ça là car c’est intéressant et je soutiens clairement la démarche en lui souhaitant le meilleur. Juste que, entre l’intervention de l’État pour remettre toute la chaîne du livre d’aplomb et la recherche de voies alternatives, perso, je me reconnais plus dans la voie d’à côté. Mais c’est sans doute que je suis accro au changement 😉

De l’écriture, de l'(auto)édition…

J’ai su que j’étais écrivaine en classe de Sixième, j’avais alors dix ans. Est-ce tôt ? Je ne crois pas. Quand je discute autour de moi, nous sommes nombreux à l’avoir « toujours su ». Mais, à dix ans, il y avait des barrières difficiles à franchir, comme de « tuer un personnage » pour écrire un roman policier1. En Troisième, je me suis enfin vraiment plongée dans l’écriture, enchainant les poèmes, quelques nouvelles et une pièce de théâtre, coécrite avec ma sœur et jamais jouée…

Je n’ai jamais été très « scolaire »2. Pourtant, en Seconde, j’ai eu plaisir à faire un devoir : notre prof de français nous avait demandé de réaliser un recueil de poèmes illustré sur un thème que nous devions choisir. Tandis que mes camarades décidaient de parler d’amour en découpant des photos dans les magazines féminins de leur maman3, j’attaquais l’humour. Point d’internet à l’époque, je fouillais de longues heures au CDI. Et, pour illustrer le tout, je demandais à ma mère de réaliser des illustrations.
Le verdict est tombé : 20/20. Votre travail est parfait, entendis-je en retour. Illustrations originales, travail dactylographié4… C’était ma première anthologie et c’était juste ce que je devais faire : choisir, promouvoir des textes, des auteurs, des illustrations… dans un ensemble où chaque pièce est renforcée par sa mise en valeur dans le tout.
Deux ans plus tard, je réalisais mes premiers fanzines : Des Lyres et des Poètes, avec nouvelles et poèmes de mes camarades de classe, et la Tribune des Vagabonds du Rêve5.

Et c’est ainsi que 24 années sont passées.
J’ai essayé des supports différents (photocopies avec la Tribune, gros tirages papier avec Oxalis, versions numériques…), différents modèles… et j’avoue que, à ce jour, je ne sais même pas si je préfère surtout explorer ou si je préfère trouver 😉
Dans le cadre des Vagabonds du Rêve, je suis en train de finaliser Numéro 4, une anthologie papier et numérique qui marquera le retour de la collection démarrée en 2000 et qui vécut trois numéros.
Et j’espère que les années qui viennent me verront continuer d’explorer, d’essayer, de tenter… de m’émerveiller sur un nouveau procédé, de jouer avec, de voir comment vous le recevrez 😉

Et, là, vous êtes un peu perplexe, vous demandant où je veux enfin en venir6, mais j’ai à peine entamé mon introduction o_O

En 2000, Ayerdhal a créé le collectif le Droit du Serf7 et, en 2012, le SELF8 est sorti de son sommeil.
Pendant des années, je me suis surtout intéressée à l’aspect technique de l’édition9 et, dans le cadre de ce collectif et de ce syndicat, les nombreuses rencontres, les échanges… m’ont permis de regarder l’aspect social avec d’autres yeux.
Concrètement10, par exemple, cela m’a donné envie de mettre en place, pour les Vagabonds, un modèle où, alors que je sais fort bien que nos anthologies ne peuvent être rentables, une rémunération est prévue pour les auteurs.

Bref, mes activités d’écrivaine et d’éditrice (certes bénévole) nourrissent une réflexion et une veille sur l’édition, sur l’écriture… et donc, forcément, sur les nouveaux supports, sur l’auto-édition…
Ne comptez pas sur moi pour prendre parti dans l’affrontement auto-édition vs édition traditionnelle.
Non, tous les éditeurs ne sont pas des escrocs. Non, tous les auto-édités ne produisent pas que de la bouse. Il y a de bons et de mauvais éditeurs comme il y a de bons et de mauvais auto-édités.
Certains auteurs ont besoin d’un accompagnement que seul un éditeur traditionnel peut leur fournir à l’heure actuelle. Certains auteurs n’en ont pas besoin.
Je ne crois pas à l’absolu, aux règles générales, au « c’est forcément comme ça » 😉

Lundi, Brussolo a fait une annonce sur son site (qui n’est plus en ligne à l’heure où j’écris ce billet), mais dont Actualitté s’est fait l’écho et dont tout le monde, forcément, a parlé. L’idée a été développée le mercredi, dans un nouvel article.

Quant à l’autoédition, en presque quarante années en tant qu’auteur, directeur de collection, éditeur, tous les auteurs que j’ai rencontrés m’ont déclaré, un jour : « Ah ! Si seulement je pouvais m’autopublier ! » À une époque, l’aventure était compliquée, coûteuse et très hasardeuse. Beaucoup y ont laissé des plumes. Seuls les très gros best-sellers pouvaient s’offrir ce luxe. Aujourd’hui, grâce à Internet et au livre numérique elle devient plus aisée. Pourquoi bouder cette occasion ?

Ce qui est intéressant, bien évidemment, c’est que des auteurs connus, qui n’ont plus rien à prouver, rappellent que l’auto-édition, non, ça n’a rien de « mal ».

Et puis, aujourd’hui, au détour d’une conversation, une personne s’interroge : elle est à la recherche d’une maison d’édition pour auto-édités.
Posée ainsi, la question peut amuser : le principe même de l’auto-édité est qu’il ne passe justement pas par un éditeur. Mais je comprends l’idée : si l’on s’auto-édite, on a quand même besoin de correcteurs, d’un maquettiste, d’une plateforme de vente11.

  1. Genre que je n’ai jamais cessé d’aimer, même si j’associe maintenant le polar aux longues journées d’été… ↩︎
  2. Même si j’ai mis un pied en fac, un peu par curiosité, surtout sans doute parce que je m’y sentais obligée, je n’ai pas fait d’études supérieures et n’ai donc que le bac. ↩︎
  3. Je viens de griller mon quota de clichés pour les dix prochaines années o_O ↩︎
  4. Sur le TO9 acheté l’année précédente et qui fut un piètre compagnon de jeu, mais où je recopiais tous mes écrits. ↩︎
  5. J’en parle déjà dans un billet daté d’août 2011. ↩︎
  6. Les billets trop longs, faut avouer, c’est super chiant ! (Et on dirait que j’y prends plaisir !) ↩︎
  7. Le Droit du Serf dispose d’un blog et est présent sur Facebook. ↩︎
  8. Le Syndicat des Ecrivains de Langue Française, dont je suis l’actuelle trésorière, dispose également d’un blog et d’un forum où je vous invite à nous rejoindre 🙂 ↩︎
  9. Maquette, impression, grammage du papier… ↩︎
  10. Parce que le concret, c’est le bien ! ↩︎
  11. On dirait que quelqu’une s’est fait un kiff sur les NdBdP… Etrange… ↩︎