Je te spoile si tu m’embêtes !

— Oh, désolé, je suis en train de te spoiler…
— Non, mais continue, ça m’est égal.

Quand j’étais enfant, je lisais beaucoup de polars (Agatha Christie en tête) et je jetais un oeil, toujours, à la dernière page peu après avoir commencé ma lecture (tiens, j’en parlais déjà dans ce billet).
Ca ne m’apprenait rien du tout, en réalité, car une dernière page sans contexte est rarement éclairante, mais cela ne me décourageait pas de recommencer avec le suivant.

Netflix vient de commencer la diffusion de Doctor Cha.
Elle, après des études de médecine, a laissé tomber sa carrière prometteuse pour celle de mère au foyer. Après un grave incident de santé et alors que ses enfants sont déjà grands, elle décide de reprendre son parcours de doctoresse. Le triangle amoureux autour d’Elle va convoquer Lui1, son mari infidèle, et Lui2, le beau médecin élevé aux USA.

Le début est sympathique et me donne envie de continuer.
Pour cette romance, il y a deux issues possibles : soit elle reste avec Lui1 car il va la redécouvrir et revenir vers elle, soit elle divorce et choisit Lui2.

Le « truc », c’est que les deux issues peuvent sembler des Happy End suivant notre système de valeurs. Pour celles et ceux aux yeux desquelles le mariage est sacré, c’est une bonne chose que Lui1 retourne vers Elle.

Etrangement ou « à cause de », en tant qu’aromantique, j’adore l’Amour et c’est ce que je recherche dans la romance. Peut-être comme d’autres sont avides de Magie et lisent de la Fantasy, je cherche ce qui m’est étranger.
Donc, à mes yeux, la « bonne fin », ça ne peut être que celle où Elle finit dans les bras de Lui2.
Sauver un couple ? Le couple/mariage n’a rien de sauvable à mes yeux, mais ce n’est pas le genre de billet où je vais me lancer dans une tirade sur l’hétéropatriarcat.
Disons juste que voir l’héroïne choisir le mari adultère me fait horreur. Et ce sentiment remonte à ma plus tendre enfance, avant même que j’ai la moindre notion de féminisme et la moindre idée de ce que pouvait être le patriarcat.

— Mais où veux-tu en venir à la fin (c’est le cas de le dire) ?

La diffusion en France de cette série se termine dans quelques semaines, mais, en Corée, même si elle est diffusée plus tôt, le dernier épisode ne sortira que le 4 juin. Je n’ai donc aucun moyen de me spoiler la fin.
Et je n’ai pas du tout envie de regarder plusieurs épisodes avant de réaliser que l’Happy End n’en sera pas du tout une pour moi.

— Mais, enfin, si la série est sympa, tu peux la regarder quand même !

Je n’ai pas envie ! Je déteste passer du temps sur une histoire dont la fin me déplaira.
Me spoiler est en fait la façon dont j’aime consommer la fiction.
Même si je comprends tout à fait que l’on puisse raconter des histoires qui nous parlent du réel, si je veux du réel, je regarde des documentaires, je lis des articles.
Je rencontre rarement des gens qui me ressemblent sur ce point : j’ai tracé une ligne de démarcation quasi infranchissable entre fictions et récits du réel.
Bon, OK, je peux faire des exceptions à cette règle, mais je n’aime pas les surprises.

Mardi soir, dans le cadre de #NiceFictions23, nous avions programmé Bienvenue à Gattaca au cinéma Variétés (Nice). Je ne l’avais jamais vu auparavant et je pense qu’il est assez peu récent pour qu’il y ait prescription sur les spoilers. Bref, à la fin, l’un des deux personnages principaux (Jerome — Vincent s’envole dans l’espace) se suicide. Ce n’est pas super « gai », mais on le sait bien en amont. Il avait déjà fait une première tentative (son accident) et, du coup, cette fin est attendue / prévue… acceptable ?

— Mais, dans la vie de tous les jours, tu aimes les surprises quand même ?

Je ne crois pas.
Si je fouille rapidement ma mémoire, je n’y trouve pas trace de « bonnes surprises » (comme quoi ? Une fête surprise ou un truc du genre ?) et être surpris me semble a priori plutôt négatif…

Bref, je suis très contrarié : je ne sais pas avec qui la Dr Cha va finir…

Le Peuple Loup (2020)

En sortant du cinéma, Cadette m’a fait remarquer que ce serait bien de faire un petit mot pour ce film dont on entend à peine parler. Et je me suis dit qu’elle avait raison 😉
— Et, du coup, si tu es allée le voir, c’est bien qu’on t’en a parlé ?
Parler ? Non. On a juste vu les affiches, en ville, mais, sorti ce mercredi, aucune séance dans les « grosses » salles, juste un passage furtif dans le petit-ciné-des-films-confidentiels.

Au 17e siècle, une ville irlandaise occupée par les Anglais, décidés à détruire toute la forêt environnante pour développer l’agriculture et, pour se faire, à tuer tous ses loups qui obéissent à une mystérieuse wolfwalker qui a des pouvoirs de guérisseuse.
Deux enfants se rencontrent : Robyn est l’anglaise qui rêve d’aventure, arrivée là car son père, veuf, a été recruté comme chasseur ; Mebh est la fille de la wolfwalker.

Je ne pense pas avoir besoin d’en dire plus, l’histoire est assez simple (souvent, les bonnes histoires sont simples) et l’ensemble est très poétique : le dessin, original, sert vraiment la narration, mélange d’aventures et de symboles.

Tout simplement à voir.

1h43
Sortie : 20 octobre 2021

Ce billet est également paru dans la Tribune des Vagabonds du Rêve.

Black Widow (2021)

Si Black Widow, devenue une Avenger, pense avoir mis fin à l’organisation secrète qui l’a asservie, elle se fourvoie et son passé va revenir la chercher pour une nouvelle mission entre les évènements de Captain America: Civil War (2016) et de Avengers: Infinity War (2018).
Dans un film de super-héros, il y a un grand complot très compliqué avec un Méchant vraiment méchant, un serviteur du Méchant trop fort, des alliés inattendus, des combats et des scènes vertigineuses.

Black Widow obéit aux codes du genre en remplissant toutes les cases de façon fort satisfaisante, mais avec une héroïne, aidée de femmes, combattant des femmes. Les quelques personnages masculins sont en retrait sans être effacés.

Le film appartient à l’univers Marvel, mais peut se voir indépendamment, si vous n’avez pas tout visionné ou oublié une partie 😉

Alors il y a de l’action, forcément, beaucoup d’actions, mais il y a également de l’humour bon enfant, particulièrement autour de la « fausse famille » de l’héroïne, réunie pour l’occasion, une juste dose de bons sentiments.
Un divertissement plaisant, idéal sur grand écran, à déguster sans complexe.

Réalisatrice : Cate Shortland
Sortie : 7 juillet 2021

Ce billet est également paru dans la Tribune des Vagabonds du Rêve.

Along with the Gods: The Two Worlds (2017) et Along With the Gods: The Last 49 Days (2018)

140 minutes chacun

Trois gardien·nes des enfers (le chef qui se souvient de sa vie de mortel et ses deux compagnons qui ont tout oublier) pourront se réincarner si, en mille ans, iels veillent à mener 49 parangons à se réincarner chacun·e en 49 jours, c’est-à-dire passer les différents jugements sans condamnation.
Le 1er film débute quand nos trois gardien·nes viennent chercher un pompier méritant qui ne veut pas quitter ce monde car il n’a pas fini de veiller sur sa mère malade et son jeune frère.
Les deux films forment un tout et je ne m’étendrai pas sur l’histoire car le 1er reste assez simple/tourné vers l’action alors que le 2e explore beaucoup plus les différents parcours/est plus riche en histoires, mais également un peu fouillis, et, du coup, en dire trop est un peu équivalent à spoiler tout le 1er volet… mais l’histoire se passe sur les deux mondes (celui des vivants – le nôtre – et celui des enfers) et utilise les codes du voyage d’heroic fantasy pour la traversée des enfers, de jugement en jugement.
J’ai bien aimé ce mélange entre l’action et le drame (la réflexion sur les fautes, le pardon, nos choix). Il y a une toute petite pincée d’humour, on pleure pas mal.
Une bonne surprise que j’avais vu dans le désordre la première fois et que je viens de revoir avec plaisir.

Les deux films sont disponibles sur Netflix.

Ce billet est également paru dans la Tribune des Vagabonds du Rêve.

Conclure

Les quelques mots/les premières images qui commencent une histoire sont importantes : le lecteur/spectateur doit être happé, conquis, pour ne pas détourner l’attention.
La fin est… fondamentale ? Elle laisse le goût en bouche quand nos souvenirs réévoqueront la fiction, l’impression laissée, les sentiments…
Dans une histoire policière, le coupable est démasqué, confondu, puni ou attrapé. Dans une quête épique, l’anneau de Sauron est définitivement détruit !

J’ai un plaisir coupable : je regarde des films sentimentaux quand aucun membre de ma famille ne peut me surprendre… J’en regarde et, parfois même, j’écris des histoires d’amour !
(Et j’ai regardé plus d’une fois la version BBC d’Emma avec Jonny Lee Miller…)
Quelle peut être la fin d’une telle histoire puisque, par définition, quand le mot « fin » s’écrit sur une relation amoureuse, ça n’est pas la fin de la rencontre, de la mise en place, mais la fin de ce qui réjouissait le spectateur, ce qu’on ne veut pas connaître.
Contrairement à une enquête policière, à une quête, à une mission d’exploration réussie… une histoire d’amour ne raconte pas une aventure avec un début et une fin, avec une réussite, une capture, un accomplissement, mais une tranche de vie : deux personnes voient leurs relations changer.
Deux amis s’aperçoivent qu’ils s’aiment « autrement », deux inconnus se croisent et éprouvent l’envie de se connaître, deux ennemis ne s’en veulent plus…

Sur certains de mes textes, on m’a reproché des fins ouvertes : non seulement j’aime les fins ouvertes car elles sont les plus… réalistes ? évidentes ? car mes personnages ne meurent pas quand vous avez terminé de lire ! mais une bonne histoire d’amour peut-elle se terminer autrement que devant un nouveau chapitre que les amants écriront dans l’intimité ?
Quand j’étais plus petite, parce que j’avais été « nourrie » de cette façon, bien évidemment, j’aurais affirmé que l’histoire d’amour se concluait sur la demande en mariage, sur un « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », mais… qui y adhère encore aujourd’hui ? Ont-ils su garder la passion dans leur mariage ? Et, d’ailleurs, pourquoi se marieraient-ils ? Voulaient-ils tous les deux des enfants ou n’en avaient-ils pas déjà de précédentes unions ou… ?

Ces jours-ci, j’ai vu Un jour (de Lone Scherfig) et Before We Go (de Chris Evans).
A ceux qui détestent les spoilers, attention : comme je parle dans ce billet de fins, je vais spoiler tout mon saoul ces deux films puisque tel est mon propos.

Tout d’abord… les deux mécanismes m’ont intéressée.

Un jour est adapté du roman de David Nicholls.
Emma et Dexter se rencontrent un 15 juillet, lors de la soirée de fin d’études. Ils deviennent amis et l’histoire est racontée de 15 juillet en 15 juillet : rencontres, coups de fil ou lettres, à nous de reconstituer les années jusqu’à ce que l’évidence s’impose enfin. Ils s’aiment. Bon, ils s’aimaient déjà puisqu’ils étaient meilleurs amis, mais ils s’aiment désormais à vouloir tenter la vie d’un couple !
Bref, l’histoire devrait alors s’arrêter pour nous : ils auront des hauts et des bas, des disputes et des trahisons, mais… voulait-on vraiment savoir les difficultés rencontrées par la Princesse Leia et Han Solo ? L’auteur voulait-il se la jouer dans l’originalité forcée ? J’aimais bien sa construction d’année en année, j’avais adhéré.
La fin est grotesque : Emma découvre déjà qu’elle ne peut pas avoir d’enfants (pourquoi ? quel rapport avec leurs difficultés à se trouver ?) puis meurt… écrasée par un camion. Brutal, incompréhensible.
Et encore une année pour nous dire que Dexter s’en remettra.
Pourquoi cette plaisante narration ? Pourquoi cette amitié joliment décrite ? Pourquoi tout ce taf pour gâcher l’histoire avec une fin inappropriée ?
Par curiosité, j’ai commencé à lire le livre, mais j’ignore si j’irai jusqu’au bout…

Si Before We Go semble d’une construction plus banale (deux inconnus se croisent), il m’a beaucoup plu… et pas seulement à cause du séduisant Chris Evans (oui, oui, Captain America !) qui joue le personnage principal.
Nick, musicien, est arrivé à New York pour passer une audition le lendemain, mais, le soir même, il est invité à une fête où devrait se rendre son ex, qu’il n’a pas revue depuis six ans et dont il est toujours amoureux. Effrayé à l’idée de la croiser, de ce qu’il lui dira, qu’elle vient à cette soirée accompagnée, il reste dans la gare et joue, récoltant quelques billets.
Brooke vient de se faire voler son sac à main, son téléphone portable tombe et se casse (ouais, ça n’arrive plus de nos jours) et il ne lui reste plus que son billet de train pour rentrer à la maison, mais elle rate le dernier train, forcément.
La gare va fermer pour les quelques heures de la nuit où les trains ne circulent plus et, quoique Brooke se montre forcément suspicieuse, Nick n’a pas le coeur à la laisser seule pour la nuit, dans l’immense cité.
Au fur et à mesure que le temps passe, chacun découvre la vie de l’autre et, surtout, apprend qu’il n’y a pas un seul grand amour, que la vie réserve d’autres rencontres, d’autres moments…
La fin est ouverte : Brooke rentre chez elle, Nick ira à son audition.
Se reverront-ils ? Nous n’en savons rien et l’histoire se conclut comme elle le doit : tout est possible et, en même temps, pendant qu’ils s’embrassent pour se dire « au revoir » ou « adieu », à ce moment précis, ils s’aiment et c’est ce qui constitue l’histoire.

Bref… je vais continuer à m’interroger sur les bonnes fins et sur les histoires d’amour, mais cela fait un petit moment que la fin ouverte me semble quand même l’idéal pour conclure une rencontre/un changement/un bouleversement dans la vie de deux personnages 😉
Après tout, les histoires d’amour ne durent pas, mais tiennent dans ces baisers amenés avec talent.