Mr. Queen (2020)

20 épisodes de 66/81 minutes
2 mini-épisodes bonus (30 minutes et 3 chapitres chaque) sous le titre
Mr. Queen: The Bamboo Forest

Suite à un accident, Lui1 (Kim Jung-hyun), homme de notre époque, se réveille dans le corps d’Elle1 (Shin Hye-sun), reine il y a 200 ans. Chef cuisinier à la Maison-Bleue, dragueur invétéré et hétéro, il essaie d’abord de trouver un moyen de « s’échapper » (ce qui, bien sûr, lui est impossible : comment contrôler pareille chose ?) avant d’accepter sa condition (i.e. survivre dans un palais bourré d’ennemi·es, aux côtés d’un roi qui ne l’aime pas).

Lorsque j’ai énoncé le pitch devant Cadette, elle a remarqué : « On dirait le début d’un anime ! » et je trouve que cela correspond assez bien. Cela débute de façon assez drôle/décalé : Lui1, obsédé par les femmes et par son propre pénis, fuit le roi et rêve de charmantes concubines ; pour conquérir le coeur d’Elle2, la méchante douairière régente, il utilise ses talents de cuisinier ; Lui2, le roi, fait semblant de lire du porno en journée au lieu de travailler pour dissimuler ses plans… et les musiques viennent ponctuer les actions.

Et puis, forcément, petit à petit, l’histoire devient plus sérieuse : les méchants complotent et Lui1-Elle1 doit échapper à la mort, les relations prennent de la profondeur…

Gros coup de coeur pour ce drama qui mélange allègrement de sombres complots, de l’humour décalé, mais pas méchant, des réflexions sur l’identité (qui est réellement Lui1, le personnage principal, qui est influencé par les désirs et les souvenirs d’Elle1 ?), sur les relations (bien sûr, Lui2 va s’éprendre de Lui1-Elle1), un voyage dans le temps…

/pause
Je me demande s’il s’agit réellement d’un voyage dans le temps.
Il me semble que la notion de voyage implique d’un individu, à l’aide d’une machine ou d’un sort (ou d’un procédé quelconque), se déplace dans le temps.
Là, on est plus sur une cause fantastique/surnaturelle qui déplace une âme…

Bref, avant de continuer ce billet, je ne peux que vous inviter à le regarder et,
maintenant
***************** SPOILERS *****************

L’un des gros atouts/charmes de cette histoire est l’originalité du personnage principal : Lui1 sait quel accident il a eu, mais ignore tout d’Elle1 et de ce qui lui est arrivé. Au début, on est tenté de croire qu’ils auraient inversé leur corps (ce qui n’est pas le cas).
Lui1 démarre donc avec un corps qui ne lui convient pas (pas de pénis, avoir des règles…) et doit enquêter sur Elle1, sur qui elle est et qu’est-ce qui lui est arrivé ?
Il comprend qu’elle s’est suicidée et a quitté son corps. Tout n’est pas expliqué, c’est à nous, spectateurs, qu’il revient de rassembler le puzzle : ma théorie est qu’Elle1 revient dans son corps grâce à la présence de Lui1 qui la rassure et la protège (lève ses doutes et ses angoisses ?).
Comme j’avais lu quelques commentaires sur la série avant de la regarder, j’ai essayé de guetter quand/comment Elle1 était présente, mais je n’en suis pas sûre du tout. A un moment, la voix off de Lui1 disparait pour laisser la place à Elle1, mais c’est toujours Lui1, sa façon de penser, ses valeurs…

Et donc Lui1, malgré son appétence pour les femmes et sa fière hétérosexualité, laisse la place aux désirs d’Elle1 et accepte de bonne grâce que… ça lui plait.
Là, on touche le « chaque spectateur va voir ce qu’il veut voir ».
J’ai lu, ici et là, des « mais Lui2, puisqu’il s’éprend de Lui1-Elle1, est gay ? » et, franchement… on s’en fout, non ? A un moment, Lui1-Elle1 se qualifie de mi-homme mi-femme et, effectivement, je lae perçois comme un personnage non-binaire. Et Lui2 est amoureux, simplement, d’une personne.

On notera également la relation entre Elle1 et Lui3, son cousin épris d’elle.
Si Lui2 aime la combinaison de Lui1-Elle1, Lui3 n’aime qu’Elle1 et déteste Lui1 qui lui rend bien.

L’idée, il me semble, est que Lui1 et Elle1 ont suffisamment fusionné pour s’influencer et se changer mutuellement et seront forcément différent·es après ce « voyage initiatique ».

Au final, un drama drôle et prenant, sans temps mort, et qui offre tout un tas de discussions sur l’identité et le genre avec vos meilleur·es potes 😉

Ce billet a également été publié sur la #TribuneVdR.

Drôle (2022) (mais pas que)

Je commence ce billet en ayant pas mal de choses à vous dire en préambule.

Tout d’abord, je ne suis pas familière de la production audiovisuelle française, non plus que des humoristes de ce pays.
Aussi, ne me demandez pas de citer un·e acteurise qui me plait, j’en serais incapable.
Bref, je ne pourrais pas vraiment contextualiser Drôle dont je vais vous parler un peu après mon introduction à rallonge.

Quand j’étais petite, ma mère me disait qu’il était plus facile de faire pleurer que de faire rire.
C’est vrai.
Pour émouvoir, il y a des ficelles relativement classiques auxquelles vous vous laisserez prendre même en vous prétendant blasé·e.
L’humour est vraiment segmenté, personnel.
Faire rire, c’est savoir que l’on ne s’adresse qu’à un public limité (même si moins limité pour certains grands noms, peut-être) et que des tas d’autres gens vous regarderont avec un petit air surpris, gêné ou désappointé.
Enfante, le soir au diner, je lisais à mes parents des bouts de textes, des essais… pour les faire rire et, en classe de Seconde, j’ai choisi l’humour comme thème d’un devoir (j’en parle ici) et je me suis régalée. J’ai compris que ça me plaisait.

Certaines de mes nouvelles me font rire, mais personne ne m’a jamais mailé que j’étais hilarante.
A une époque où je manquais un peu de temps, j’avais pris l’habitude de poster sur Facebook des petits statuts autofictionnels pour décaler la réalité et, si j’avais parfois des réactions positives, j’en ai reçu aussi de négatives, certains me reprochant d’étaler ma vie privée en public (hein ?).

J’ai perdu la flamme.
Faire rire était compliqué, je manquais de temps, des tas d’autres choses m’absorbaient…

Il y a quelques semaines, quelqu’un m’a dit (sans ironie) : « Mais, en fait, tu es drôle ! »
Les déclics ne sont pas toujours extraordinaires.

J’ai songé au stand-up, cet exercice auto-fictionnel où tu ris de toi-même, j’ai fait des essais (écrire, m’enregistrer…), les premiers retours sont positifs (sur les textes et ma voix, mais ça n’est pas du stand-up du tout).
J’ai commencé à regarder des humoristes français·es, à écouter, décortiquer…

A cette minute où je vous écris, j’en ai tiré deux enseignements pour l’instant :
– je ne crois pas que le stand-up sera le genre qui me convienne car il a ses codes (c’est normal) et ce n’est pas tout à fait ce que je recherche ;
– je ne doute pas que je veux continuer à travailler sur l’humour, sous des formes à définir/en devenir.

Quand tu es focalisé·e sur une idée, l’univers la nourrit : hier, en passant sur Instagram, je vois que Netflix annonce la sortie de Drôle, une série qui parle de l’histoire de quatre stand-upeur·ses.
Donc, forcément, je regarde.

6 épisodes de 40+ minutes
La durée est vraiment bonne, l’histoire est copieuse, sans être délayée.

Lui1 (Younes Boucif), le pivot central, est un gars un peu « idéal » : posé, travailleur, il est intelligent. Musulman, il ne boit pas, vit seul avec son père handicapé. Il est bienveillant, aidant. Mais ça passe crème, il n’est pas « beau gosse » ou trop confiant.
Sa meilleure amie, Elle1 (Mariama Gueye), noire, perce brusquement grâce à un sketch sur le plaisir prostatique, au grand dam de son mari qui se sent « ridiculisé » puisqu’elle parle de leurs ébats.
Elle2 (Elsa Guedj) est étudiante, blanche, issue d’une famille très aisée. Contrainte par sa mère à des études spécifiques, elle rêve de faire rire. Elle croise Lui1, ils se plaisent…
Lui2 (Jean Siuen), d’une famille vietnamienne bosseuse dont il est le vilain petit canard, est sur la pente descendante : après avoir eu du succès, il n’arrive plus à faire rire, enchaine les comportements désastreux, fâche son entourage…

Avec l’arrivée du succès, l’amitié entre Lui1 et Elle1 se tend, le mariage d’Elle1 semble fragile. Elle2 se perd dans les mensonges pour ne pas décevoir sa mère. Lui2 va s’accrocher à Lui1 pour remonter en selle.

Et la sauce prend, le tout est vraiment réussi.
Pas mal de sujets vont être abordés, sans être parachutés, juste parce qu’ils font partie de la vie, comme l’IVG ou la vulnérabilité mentale. Ou même la répartition des tâches au sein du couple hétéro.
On est touché, les personnages sont des « gens ordinaires » et le message est bienveillant : chacun·e est rattrapé·e même s’iel chute, chacun·e a sa chance/place, chacun·e est aimé·e (avec plus ou moins de maladresse).
Il n’y a pas de personnages toxiques, hormis un seul qui sera puni sans cruauté.

Du bon travail, à regarder sans hésiter.

PS : Par contre, je lis qu’une saison 2 est prévue et… je ne l’attends pas forcément. Ce besoin de continuer une oeuvre qui se suffit ne me semble pas évident, mais on verra bien…