Drôle (2022) (mais pas que)

Je commence ce billet en ayant pas mal de choses à vous dire en préambule.

Tout d’abord, je ne suis pas familière de la production audiovisuelle française, non plus que des humoristes de ce pays.
Aussi, ne me demandez pas de citer un·e acteurise qui me plait, j’en serais incapable.
Bref, je ne pourrais pas vraiment contextualiser Drôle dont je vais vous parler un peu après mon introduction à rallonge.

Quand j’étais petite, ma mère me disait qu’il était plus facile de faire pleurer que de faire rire.
C’est vrai.
Pour émouvoir, il y a des ficelles relativement classiques auxquelles vous vous laisserez prendre même en vous prétendant blasé·e.
L’humour est vraiment segmenté, personnel.
Faire rire, c’est savoir que l’on ne s’adresse qu’à un public limité (même si moins limité pour certains grands noms, peut-être) et que des tas d’autres gens vous regarderont avec un petit air surpris, gêné ou désappointé.
Enfante, le soir au diner, je lisais à mes parents des bouts de textes, des essais… pour les faire rire et, en classe de Seconde, j’ai choisi l’humour comme thème d’un devoir (j’en parle ici) et je me suis régalée. J’ai compris que ça me plaisait.

Certaines de mes nouvelles me font rire, mais personne ne m’a jamais mailé que j’étais hilarante.
A une époque où je manquais un peu de temps, j’avais pris l’habitude de poster sur Facebook des petits statuts autofictionnels pour décaler la réalité et, si j’avais parfois des réactions positives, j’en ai reçu aussi de négatives, certains me reprochant d’étaler ma vie privée en public (hein ?).

J’ai perdu la flamme.
Faire rire était compliqué, je manquais de temps, des tas d’autres choses m’absorbaient…

Il y a quelques semaines, quelqu’un m’a dit (sans ironie) : « Mais, en fait, tu es drôle ! »
Les déclics ne sont pas toujours extraordinaires.

J’ai songé au stand-up, cet exercice auto-fictionnel où tu ris de toi-même, j’ai fait des essais (écrire, m’enregistrer…), les premiers retours sont positifs (sur les textes et ma voix, mais ça n’est pas du stand-up du tout).
J’ai commencé à regarder des humoristes français·es, à écouter, décortiquer…

A cette minute où je vous écris, j’en ai tiré deux enseignements pour l’instant :
– je ne crois pas que le stand-up sera le genre qui me convienne car il a ses codes (c’est normal) et ce n’est pas tout à fait ce que je recherche ;
– je ne doute pas que je veux continuer à travailler sur l’humour, sous des formes à définir/en devenir.

Quand tu es focalisé·e sur une idée, l’univers la nourrit : hier, en passant sur Instagram, je vois que Netflix annonce la sortie de Drôle, une série qui parle de l’histoire de quatre stand-upeur·ses.
Donc, forcément, je regarde.

6 épisodes de 40+ minutes
La durée est vraiment bonne, l’histoire est copieuse, sans être délayée.

Lui1 (Younes Boucif), le pivot central, est un gars un peu « idéal » : posé, travailleur, il est intelligent. Musulman, il ne boit pas, vit seul avec son père handicapé. Il est bienveillant, aidant. Mais ça passe crème, il n’est pas « beau gosse » ou trop confiant.
Sa meilleure amie, Elle1 (Mariama Gueye), noire, perce brusquement grâce à un sketch sur le plaisir prostatique, au grand dam de son mari qui se sent « ridiculisé » puisqu’elle parle de leurs ébats.
Elle2 (Elsa Guedj) est étudiante, blanche, issue d’une famille très aisée. Contrainte par sa mère à des études spécifiques, elle rêve de faire rire. Elle croise Lui1, ils se plaisent…
Lui2 (Jean Siuen), d’une famille vietnamienne bosseuse dont il est le vilain petit canard, est sur la pente descendante : après avoir eu du succès, il n’arrive plus à faire rire, enchaine les comportements désastreux, fâche son entourage…

Avec l’arrivée du succès, l’amitié entre Lui1 et Elle1 se tend, le mariage d’Elle1 semble fragile. Elle2 se perd dans les mensonges pour ne pas décevoir sa mère. Lui2 va s’accrocher à Lui1 pour remonter en selle.

Et la sauce prend, le tout est vraiment réussi.
Pas mal de sujets vont être abordés, sans être parachutés, juste parce qu’ils font partie de la vie, comme l’IVG ou la vulnérabilité mentale. Ou même la répartition des tâches au sein du couple hétéro.
On est touché, les personnages sont des « gens ordinaires » et le message est bienveillant : chacun·e est rattrapé·e même s’iel chute, chacun·e a sa chance/place, chacun·e est aimé·e (avec plus ou moins de maladresse).
Il n’y a pas de personnages toxiques, hormis un seul qui sera puni sans cruauté.

Du bon travail, à regarder sans hésiter.

PS : Par contre, je lis qu’une saison 2 est prévue et… je ne l’attends pas forcément. Ce besoin de continuer une oeuvre qui se suffit ne me semble pas évident, mais on verra bien…

Encounter (2018)

16 épisodes de 60+ minutes

… ou comme quoi une bonne recette et de bons ingrédients ne garantissent pas de réussir un plat.

Préambule
A priori, je ne vois pas l’intérêt de prendre du temps pour rédiger un billet sur une œuvre que je n’ai pas l’intention de vous conseiller… mais, parfois, un échec interpelle.
Qu’est-ce qui cloche dans Encounter ?

Elle (Song Hye-kyo) est la très riche PDG d’un hôtel. Lui (Park Bo-gum) est le fils d’un modeste marchand de fruits.
Ils se rencontrent par hasard à Cuba, elle s’est faite voler son sac, il la dépanne et ils passent une merveilleuse soirée. De retour en Corée, il a été retenu à un entretien d’embauche dans l’hôtel qu’elle dirige.

On a de vraies méchantes : Elle2, la mère de Lui2, l’ex-mari d’Elle, qui est très très riche ; Elle3, la mère d’Elle qui est prête à la vendre, littéralement, pour plus de pouvoir…
On a deux triangles amoureux : Lui2 est toujours fou amoureux d’Elle ; Elle4, l’amie d’enfance de Lui, en est forcément amoureuse…
On a des histoires d’amour secondaires…

Les acteurs sont beaux, le générique est illustré par Jamsan (It’s OK to not be OK), la BO me convient (mais je n’y connais rien en musique, alors, bon, ça ne veut rien dire…).
L’histoire est simple, mais devrait fonctionner : la rencontre fortuite qui masque les différences sociales, l’amour rendu difficile par ces mêmes différences…
mais on dirait que… tout le monde s’en fout, en fait.
Les méchantes n’agissent quasi jamais : Elle3 se contente de râler/pleurer et Elle2 est juste en mode « je vais frapper bientôt… un jour… peut-être… demain, si je n’ai pas piscine ».
Les triangles amoureux sont… vides ? Lui2 est décrit comme vraiment super in love, mais il ne va absolument rien faire de touchant : Elle est son ex-femme, ils ont vécu ensemble, il doit bien avoir un souvenir tendre pour la faire vaciller ???
Elle4 est… en fait, rien, son béguin pour le héros n’apporte absolument aucune péripétie, même pas un dialogue troublant.
Les histoires d’amour secondaires n’avancent pas. Y’a une tentative d’humour avec l’une d’elles, mais ça se calme très vite, visiblement, les scénaristes ont peur d’un trop plein d’émotions/rires/quoique ce soit.

Je suis allée jusqu’au bout.
Etonnamment. Et assez lentement.
Je n’ai même pas détesté. Il n’y a rien. Donc rien à détester.

Pourquoi je vous en parle ce soir ?
Parce que ce drama devrait marcher. Il a absolument tout ce qu’il faut.
Sauf de bons scénaristes.

En fait, il n’y a pas de bons ou de mauvais éléments narratifs. Tu as le droit de tout utiliser.
Mais, quand tu décides de prendre un élément, tu dois en faire quelque chose. Ca, c’est obligatoire.
Là, par exemple, Lui2 est suffisamment amoureux pour se confronter au héros et lui dire que son désespoir va le porter, lui assurer la victoire. Une fois que tu as introduit un truc pareil, il faut qu’il se passe quelque chose. Que tu pleures quand il est rejeté tellement il s’est donné à fond. Mais il n’y aura pas une micro-seconde où le coeur d’Elle va vaciller. Même quand elle découvre un truc attendrissant sur lui, ça va rester genre « ah, OK ! »

Ou alors ils se sont foirés sur le parti pris pour le caractère du héros.
Lui est tellement « je suis amoureux, toutes les épreuves me passent au dessus » que, toi, spectateurice, fasse à sa maîtrise nonchalante, tu en deviens indifférent·e : si le héros n’a pas peur, pourquoi j’aurais peur ?

Même une romance simple doit te secouer un minimum…
Bref, on peut avoir tout pour plaire et aucun charme au final…