Oh, Temps, mon amour !

En 1999, au début d’Un Rêve étrange…, j’ai écrit :
« Elle […] attrapait son petit sac à dos noir, dans lequel un volumineux portefeuille écrasait un vieux carnet de photos qu’elle n’osait plus regarder ».
Aujourd’hui, elle saisirait juste son smartphone, blindé de toutes les photos de…
De temps en temps, quand je relis un de mes textes, j’aime bien trouver ces références à des habitudes qui sont devenues obsolètes, en si peu de temps au fond… car je me souviens très bien que, cette année-là, je rêvais d’un bel organisateur en cuir, avec ses lourds anneaux de métal, que j’aurais rempli de cartes de fidélité, de rendez-vous notés au crayon et de photomatons.
Désormais, si je peux rester de longues minutes devant les beaux agendas vendus aux rayons Carterie, cela ne me viendrait pas à l’idée de trimballer autre chose que l’iPhone qui me sert d’agenda, d’album, de baladeur et d’appareil photo.
J’aime ces détails qui ancrent nos fictions, nous rappellent ce que nous aimions/rêvions à ces moments-là, calés devant nos claviers…
J’aime noter que Buffy se sert d’un téléphone fixe à Sunnydale quand Angel, quelques kilomètres plus loin, dans Los Angeles, se sert d’un portable,
me rappeler qu’il était mal vu que la sonnerie d’un portable trouble le bruit ambiant du bureau alors que, aujourd’hui, nous sommes tous greffés d’une oreillette,
songer que l’époque où il était autorisé de fumer dans les espaces clos ne me manque pas,
m’amuser devant un vieux téléphone filaire, mais ne pas craquer sur cet achat en songeant qu’il me serait désormais insupportable de ne pas avoir toutes les fonctions de filtrage sur un appareil (nom qui s’affiche, possibilité de se mettre en « ne pas déranger » ou de bloquer certains numéros)…

Nous sommes nos souvenirs, évidemment, recomposés, réécrits… perpétuellement,
mais nous sommes aussi nos habitudes, nos façons d’aborder un moment, un évènement.
Quand je relis Un Rêve étrange…, je sais que, aujourd’hui, les phrases seraient différentes, mais je suis attachée à cette temporalité de l’art. Une œuvre est un propos, mais c’est aussi une année, un moment…
Je crois 😉

Comptes à Rebours

Comme chaque écrivain, j’ai dans ma tête des « univers préférés » qui, au fil des années, s’enrichissent, se transforment…
A l’adolescence et pendant longtemps, l’un d’eux était un monde fantastique où des jeunes femmes (ou jeunes filles, quand on a 15 ans, on ne peut que devenir le maître du monde 😛 ), des sorcières, asservissaient des démons pour devenir… over badass 😀
En 1992 et 1993, j’écris donc deux textes mettant en scène Deirdre (La Belle et le Bête et Cendrillon II : le retour), personnage que je voulais humoristique.
En 1993 toujours, j’ai 20 ans et je continue sur cette lancée délibérément délirante (faire rire est déjà mon envie prioritaire) en déclinant cet univers dans un jeu de rôle : Comptes à Rebours.
Je voulais que les règles soient simples et partais sur la base d’un univers Simulacres et, puisqu’une enveloppe 20 g peut contenir trois feuilles A4, la bête ne devait pas dépasser six pages.
Comptes à Rebours est donc paru en juin 1993, illustré par Hélène Marchetto aka Elwing, qui avait également préparé une petite affiche pour une première version jamais parue 😛
Vous pouvez désormais le télécharger au format PDF en cliquant ICI.

Puis un ami rôliste, Patrick R., se propose pour m’aider à réaliser une version plus ambitieuse, encore plus délirante et…
Le temps passe, j’ai vécu d’autres aventures et cette nouvelle version, à laquelle j’avais donné le nom de code d’In Nomine Scolare/Magna Delirium, n’a jamais vu le jour.
En 1999, j’écris la Dernière (illustrée par Hélène encore), version beaucoup plus mélancolique, et je pense encore développer l’idée en deux versants : triste en littérature, dingue en jeu.
Alors que la saison 3 de Buffy contre les vampires est diffusée sur M6 (donc probablement en 2000 ou 2001), Patrick me convainc que je dois absolument regarder cette série et que je comprendrais pourquoi.
Et c’est là que tout a basculé 😉
Si Buffy est devenue ma série préférée, mon univers fantastique, qui m’avait probablement suivi une bonne quinzaine d’années… ne serait plus jamais comme avant.
En 2011, à 38 ans, j’écris enfin l’Héroïne n’a jamais quarante ans.
Ai-je fini ma boucle ?