Are you the one (2024) et quelques mots sur la représentation des femmes en fiction

40 épisodes de 40+ minutes
Scénariste : Zhao Tian You

En préambule, je voudrais juste vous dire que, même si vous n’êtes a priori pas consommateurice de cdramas dans un décor Ancien avec des intrigues et batailles, restez un peu avec moi car j’ai envie de vous parler de la représentation des femmes en fiction 😉

Lui (Zhang Wan Yi) est un prince guerrier qui, depuis 3 ans, cherche à vaincre un terrible Bandit quand il tombe sur la concubine préférée de celui-ci, blessée et amnésique, probablement victime d’une tentative d’assassinat. Il décide donc de la garder pour tendre un piège à son ennemi, mais Elle (Wang Chu Ran) étant a priori une jeune femme innocente capturée par les bandits sur la route qu’elle suivait pour un mariage arrangé, plutôt que de la faire prisonnière, il lui laisse croire qu’il est son mari et les jours commencent à s’écouler.

Tandis que le Bandit ne semble pas pressé de se montrer, Elle, qui s’ennuierait dans le rôle de femme au foyer, ouvre un commerce de porcelaine, veut rejoindre la guilde des marchands de porcelaine qui est interdite aux femmes…

Elle est tout à la fois adorable et dévouée à celui qu’elle pense son mari, mais elle est également incroyablement intelligente / stratège et, alors que le temps passe, Lui tombe de plus en plus amoureux, rendant son mensonge intenable.

L’histoire est relativement longue (40 épisodes), découpée je dirais en 2 grandes parties :
la 1ère tourne principalement autour d’Elle et Lui, du mariage fake, d’Elle et ses talents de commerçante, de Lui et ses talents de généraux alors que, visiblement, de puissants ennemis veulent sa mort ;
dans la 2e partie, l’histoire prend un point de vue plus large avec les ennemis de Lui, des complots politiques et familiaux.

Difficile de parler un peu de cette 2e partie car il faudrait spoiler la 1ère…

Are you the one joue donc sur plusieurs tableaux : la romance (plusieurs), les intrigues (nombreuses) et l’action / les combats + un peu d’humour, mais pas énormément non plus.

Je pourrais juste m’arrêter là, vous dire que c’est réussi, qu’on se prend à l’histoire, mais il y a un gros plus.

Je ne sais pas si l’on peut parler d’un décor historique car, à l’école, quand j’étais enfant·e, je n’ai pas appris l’histoire de la Chine, mais disons que, a minima, on se trouve dans un environnement pseudo-réaliste : il n’y a pas de magie, pas de créatures fantastiques, on est dans un monde féodal avec un empereur, des fiefs tenus par des princes, des guerres… donc, aussi, dans un monde très patriarcal.

Le féminisme, ce sont des concepts théorisés, forcément, des actions politiques, mais pas que.

C’est aussi, par exemple, utiliser une écriture inclusive pour que, dans l’imaginaire collectif, on puisse projeter des femmes dans toutes sortes de rôles et de carrières, qu’on imagine que, peu importe le genre, nous sommes toutes et tous légitimes.

Dans la fiction, ça se traduit par… mettre des femmes en scène (et pas que, mais c’est le sujet ici). J’en avais parlé dans un précédent billet, en évoquant l’usage de quotas. Ce qui me plait / me frappe dans Are you the one est la présence de nombreuses femmes : des fortes, des faibles, des gentilles, des douces, des méchantes…

L’un des points forts de ce récit est sa variété de personnages secondaires, mais, s’il y a plusieurs seigneurs qui s’affrontent, il y a aussi (surtout ?) de très nombreux personnages féminins : toutes sont soumises à l’obligation de se marier (le récit ne sort pas de son époque), mais leurs façons de gérer sont individuelles et… il y a beaucoup de tendresse dans leur traitement.

En gros, on nous rappelle que le patriarcat, ce ne sont pas les hommes contre les femmes, mais aussi les femmes entre elles qui se font des coups tordus, avec l’illustration « pratique » que la sororité peut être la réponse, un moyen de s’en sortir toutes ensemble.

Le récit ne théorise pas, mais Elle apporte par exemple le coup de pouce (la voix de l’alternative) dans certaines situations, tandis que les personnages masculins, s’ils restent nombreux, prennent un peu moins de place, sont un peu moins mémorables. C’est assez subtil, mais c’est un excellent exemple parce que, je ne sais pas vous, mais, perso, j’ai entendu un paquet de fois (particulièrement au sujet des parties de jeu de rôle) : « Ce n’est pas que je ne veux pas de persos féminins, c’est que l’époque ne s’y prête pas ! »

Are you the one démontre que toute époque, même féodale et patriarcale, se prête à nous offrir un panel de personnages féminins, dont certaines très réjouissantes, sans utiliser, mettons, un monde de fantasy avec des règles sociales plus égalitaires.

Après, comme tout récit, rien n’étant parfait, je regrette un peu qu’Elle soit un poil too much : on nous la décrit comme une excellente commerçante car c’est une stratège accomplie (OK) et elle est également une excellente (encore !) combattante. Aussi, ça aurait été sympa qu’elle ne sache pas bien cuisiner ou s’habiller : elle aurait pu avoir quelques domaines qu’elle ne maitrise pas ! (Pardon, elle manque de pratique en Calligraphie…)

Il reste aussi dans un récit donc assez long et riche (beaucoup de persos, beaucoup d’intrigues…) deux ou trois détails non expliqués suffisamment à mon goût : ça ne gêne pas, mais c’est le genre de trucs qui peut me faire cogiter inutilement.

Si vous n’aimez pas le sang, il y a quelques passages qui peuvent être gênants, je pense, mais, à l’inverse, pour de la Romance, l’ensemble est un peu trop chaste et c’est assez notable pour que je le remarque : après plein d’épreuves, les amoureux partagent peu de manifestations de tendresse (je ne parle même pas de sexe).

A noter que je ne suis pas tombé·e sur Are you the one par hasard, mais parce qu’il est interprété par Zhang Wan Yi que j’avais repéré dans Lost You Forever dans le rôle de Cang Xuan. Ici, il est dans le même genre de performance : le noble calculateur et grand guerrier, amoureux éperdu… donc à suivre dans d’autres registres. (En tout cas, dans celui-ci, il assure !)

Dernier mot sur ce récit assez riche : je suis content·e car je me suis fait avoir ! A un moment de l’intrigue (je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler, mais je ne peux pas tout taire non plus), le sexisme « commun » du/de la spectateurice est utilisé pour lae tromper. Ca a marché sur moi (qui, en général, n’est pas très doué·e pour voir les ficelles) et ça m’a réjoui·e !

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