Assis, vous regardant

Je suis question
Qui êtes-vous
hommes-enfants
qui sans raison
devenez fous ?
Assis, me questionnant
je suis écoute
Et mes yeux voient
loin, sur la route
un long convoi
de fleurs d’amour
salies de boue
Assis, m’interrogeant
depuis toujours
je suis en vous
les pieds en sang
sur le chemin
de ceux, humains,
qui croient encore
à un espoir
d’ambre et de noir
Couché, je m’endors
et tous mes rêves
tendent vers vous
descendants d’Eve
qui savent tout
Je suis petit
dans l’infini
Qui êtes-vous ?

Sur les pavés

un homme couché
Sur la poitrine
les mains crispées
et un filet
couleur sanguine
qui va couler
dans le ruisseau
Et ses yeux pleurent
sur son bonheur
volé trop tôt

Un homme passe
voit cette vie qui s’efface
et repousse dans l’ombre
la tache sombre
que fait encore
cet homme mort
Homme couleur
chassé des coeurs
aux faces blanches

C’est un message qui me l’a annoncée

En des termes de sang et de paix
Et comme ce prisonnier voyant l’oiseau passer
J’ai bu les gouttes de cette lettre accusée
Puis le soir tombe sur ce monde privé d’étoiles
Et mes pleurs suivent l’ombre de la toile
Où les dieux peignent nos dernières souffrances
Telles ces démons revenus de l’enfance
Adieu, donc, jeunes filles envolées
Il ne m’a pas servi de vous avoir aimées
Je laisse vos brillantes armes
Déchirer le pourquoi de ces larmes
Une bille roule sur les parterres piétinés
Et l’eau se trouble devant la nudité
Je me retourne sans un adieu, un regret
Séchez vos grands yeux bleus
Vous n’aviez plus rien à m’apporter

Le monde est un royaume

Où des rayons sanglants
Jettent leur éclat pourpre
Sur des fleurs qui embaument
Dans un soir déclinant

Et les parfums troublants
D’une explosion de mots
Me crient : qui es-tu ?
Mais je suis ignorant
Ce que je sais est faux

Sur les berges éclatantes
D’un fleuve verdoyant
Mes pas errent et s’égarent
Et les nymphes riantes
Me regardent pleurer doucement

Montée sur un fier cheval blanc

Dont la crinière berçait le vent
Elle regardait la vaste plaine
Ses sombres yeux brillant de haine
L’herbe courait portant le bruit
De la cadence de l’armée ennemie
Elle se tourna alors vers moi
Un regret traversant son esprit
Elle hésita puis me sourit
Et hurla à ses généraux : « Cette fois
Nous aurons la victoire »
Les corbeaux envahirent le ciel
De leurs puissantes ailes noires
Ils cachèrent le soleil
Les loups hurlèrent
Seule restait sa monture claire
Ce fut un vrai carnage
Gravé à jamais dans le cours des âges
« Si tu avais eu envie »
Furent ses dernières paroles
Et je compris que j’avais été fol
De ne pas précéder la mort
Contre son corps

Tout est fini

Ma vie s’enfuit
Le long des quais
Descend glacée
L’eau du malheur
Et dans mon cœur
Le rideau s’est baissé
Sur un amour inachevé
Il n’y aura plus
Trois coups pour le début
La salle s’est vidée
Le théâtre a fermé

Goutte à goutte tombe l’eau

Dans mes sanglots
Mais la nuit
Efface le bruit
De mon cœur
Qui pleure
Quand l’aube poindra
Je suivrai les pas
De mes ancêtres
Conduits à la lumière
Que personne ne me pleure
Je n’ai pas peur
Je suis ma destinée
Qui me poussa à aimer
Pour mieux m’assassiner
Adieu Terre qui me portait
Je n’ai plus aucun regret
Je laisse aux autres la joie et l’or
Je leur préfère la mort
Qui doucement m’endort

Quand les peurs s’enfuient

C’est que monte la nuit
On entre dans la danse
On pense adieu l’enfance
On aime pour un soir
Ce sont de jeunes espoirs
On est las au matin
On découvre le chagrin
De l’amour fugitif
Et l’on se sent fautif
Un bébé naît comme ça
Pense à ce papa
Qu’il ne connaîtra pas

C’est un vieux cabaret
Où vous vous amusiez
Vous ne vous connaissiez pas
Vous ne vous aimiez déjà
Vous vous êtes amusés
Puis vous vous êtes quittés
Elle c’était toi
Lui c’était moi
Je t’aime, adieu
Demain nous serons sous d’autres cieux

Larmes

Pourrai-je un jour revoir
Sur ta peau vieil ivoire
Trembler mes mains d’amant ?
Pourrai-je à nouveau ressentir
Comme un pâle frémissement
Ton léger parfum de rire ?
Pourquoi la nuit m’emporte-t-elle
M’enveloppant de ses sombres ailes ?
Pourquoi ses noirs projets
Envahissent-ils mon âme brisée ?
J’ai cru un instant au bonheur
Me voilà cruellement dégrisé
J’ai cru pouvoir posséder ton cœur
Pourquoi pleut-il cet été ?

Des longs cheveux coupés

Dans ta blanche parure de soleil
Un à un ajustés
Tel une prison de vermeil
Un bel oiseau y pleure
Une mélodie du passé
Il chante tristement
Nos amours oubliées
Et sa complainte lente
M’est un souvenir cruel :
Autrefois je fus aimé.