Il faut savoir écrire le mot FIN

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TW suicide


Marie et Paul restèrent un instant à se regarder, installés à la table de la salle à manger. Ils avaient couché les enfants qui devaient s’être endormis maintenant et les restes du repas étaient toujours là.
— Ce n’est peut-être pas utile de tout ranger, fit enfin remarquer l’homme avec un sourire qu’il espérait heureux.
— C’est quand même mieux quand c’est tout propre, répondit Marie sans soutenir davantage son regard.
Elle avait parfaitement conscience qu’il y avait quelque chose de ridicule dans ce souhait, mais elle commença à débarrasser et son mari l’imita. Ils chargèrent le lave-vaisselle, il passa l’éponge sur la table tandis qu’elle donnait un rapide coup de balai. Ils n’arrivaient plus à se parler, ils avaient trop fait d’efforts tant que les enfants étaient réveillés.
Les enfants. Un gentil garçon, une gentille fille. Une vraie histoire de conte de fées.
— Il y a un film que tu as très envie de revoir ?
Ils avaient tout rangé et il n’y avait rien d’autre à faire. Elle prit une profonde inspiration et le regarda enfin bien en face :
— Est-ce que tu m’en veux si je préfère… tu sais… c’est fini, maintenant…
— Je comprends, fit-il simplement.
Ses yeux se gonflèrent de larmes qu’il fut incapable de retenir. Le cœur lourd, il se dirigea vers son bureau et il entendit qu’elle se rendait à l’étage. Il n’avait pas besoin de la voir pour savoir exactement ce qu’elle faisait : elle était entrée dans la chambre de Julia et avait déposé un baiser sur son front, puis elle avait eu exactement les mêmes gestes pour Thomas. Ensuite, elle s’était rendue dans leur chambre où elle l’attendait, en se forçant à ne pas pleurer pour qu’il ne soit pas plus triste qu’il ne l’était déjà. Il n’avait pas son courage.
Toutes ces années comme médecin, il n’avait jamais pu se forger une opinion définitive sur l’euthanasie. Et aujourd’hui…
Elle ferma les yeux avant qu’il n’enfonce l’aiguille, après qu’ils se soient dit « au revoir ». Ce n’était pas évident d’être le dernier, mais il était médecin, ce n’était pas elle qui allait faire ça…
Ils partaient juste un peu en avance parce qu’elle était chercheuse dans le bon laboratoire et avait su plus tôt. Les gouvernements ne pourraient pas cacher l’information très longtemps et ils ne seraient pas là pour voir la suite. C’était la fin du monde et les humains ne pouvaient plus réparer leurs erreurs. Marie et Paul étaient sincèrement désolés pour ceux qui assisteraient à la fermeture.

Suite…

N’oubliez pas votre serviette

– Tu ne dois t’attacher à rien de plus que ce que tu peux emporter…
– Pourquoi ?
– Apocalypse, attaque zombies, hiver nucléaire… L’esprit nomade, quoi, ta vie doit tenir dans un sac !
– ‘fin, par rapport au nomade qui devait se trimballer un troupeau et une tente en peaux de bête, on n’est pas mal cheaté aujourd’hui : ton smartphone avec tes photos… mieux tes photos-souvenirs précieux sur le cloud, avec tes documents… Même tes sous peuvent être sur ton téléphone, maintenant, tandis que ton nomade se traînait de lourds coffres remplis de pièces d’or !
– Du coup, juste ton téléphone et une serviette. On ne doit jamais oublier une serviette.
– Pfff, même la serviette, c’est cheaté, t’en as en microfibres et tout ! T’as même celle qui se transforme en sac-à-dos !
– Finalement, tu vois, si on tournait Indiana Jones de nos jours, deux fashionistas comme nous lui mettraient sa claque…

Ce jour-là (bis)

En guise de cadeau d’anniversaire de soi à soi, elle avait décidé de passer cette journée déconnectée. De tout réseau. Elle n’avait allumé ni son ordi, ni même son smartphone.
Aussi, ce n’est que le lendemain qu’elle apprit que l’Apocalypse avait déjà eu lieu.