Fais confiance à ton mec pour te gâcher le week-end

5.000 signes #fantastique [2016]
Temps de lecture : 5 minutes


Ça commence toujours de manière anodine : le café s’est renversé ou le chat a vomi. T’es un peu agacée, mais ce n’est pas si grave, tu peux gérer. Puis la journée avance et, de petites contrariétés en petites contrariétés, ta vie part en sucette sans que tu l’aies vu venir.
Nous venions de nous disputer. Encore.
Il avait fini par me lâcher qu’il n’avait jamais été amoureux de moi, que j’avais le caractère le plus épouvantable du monde et qu’il me détestait, probablement, aussi, mais, avec le recul, ce n’était vraiment pas la première fois qu’on avait ce genre d’échanges et tout était encore sauvable.
Nous étions samedi matin, nous aurions dû être en route pour la merveilleuse petite auberge romantique dans laquelle il nous avait réservé une nuit et nous étions assis dans sa voiture, garée au sous-sol, en train de nous dire des horreurs. Du coup, la matinée elle-même n’était pas sauvable à proprement parler, mais nos deux vies, dans leur ensemble, n’en semblaient pas pour autant compromises.

J’avais beaucoup crié, dans l’espace trop étroit de sa petite Peugeot, j’avais même pleuré, puis, décidée à donner une belle force dramatique à mon départ (après tout, il venait de me dire qu’il ne m’avait jamais aimée), j’ai voulu m’extirper de la voiture, genre départ de la scène, je claque la porte, on ne se reverra plus jamais.
J’ai ouvert la portière, je me suis prise les jambes dans la bandoulière de mon sac à main dont le contenu s’est renversé sur le sol de béton du parking, j’ai commencé à courir après mes clés qui s’enfuyaient en roulant. Il a voulu sortir de la voiture pour m’aider, il a marché sur mon étui à lunettes qui a lâché un sinistre crack, on s’est rentré dedans dans la panique.
Le télescopage m’a obligée à le regarder en face et, là, mon cœur a loupé un battement : il avait les larmes aux yeux.

A ce moment, je sais ce que vous vous dites : ils s’embrassent, ils s’excusent, leur week-end va finalement plutôt se dérouler mieux qu’il n’a commencé…
Vous vous trompez.
Alors que, embarrassés parce que je l’avais vu pleurer, parce qu’il savait que je l’avais vu pleurer, nous continuions vainement à rassembler le contenu de mon sac, la porte du parking, à plusieurs mètres de la voiture, s’est ouverte sur un groupe de jeunes. Bruyants. Eméchés ?
Hé, les gars, il est dix heures du mat’, il est trop tard pour revenir de boîte !
Nous ne leur avons pas prêté attention, au début, nous étions bien trop absorbés par nos propres émotions, mais ils s’approchaient et il nous a bien fallu les regarder.

Suite…