My Demon (2023)

J’avais un doute en abordant cette série. Elle était présentée comme la rencontre entre Elle1, riche héritière arrogante, et Lui1, démon trop beau pour être vrai, genre un peu romance tirée par les cheveux.

Elle2, femme âgée à la tête d’un conglomérat, est entourée de ses deux enfants, Lui2 et Elle3, de son neveu, Lui3, et a recueilli Elle1 dont les parents ont été tués dans un accident de la route quand elle avait 10 ans.
Si Lui3 est tranquillement adorable et probablement épris d’Elle1, Lui2 et Elle3 sont a priori aussi antipathiques l’un que l’autre.
Alors que la vie d’Elle1 est menacée, Lui1 vient à son secours, mais son tatouage, marqueur de ses pouvoirs, est transféré mystérieusement à Elle1.
Puis Elle2 meurt… assassinée ? et ayant désigné Elle1 comme son héritière à condition qu’elle se marie dans l’année.

Avec les ingrédients de ce qui aurait pu être une romance, on se retrouve en réalité avec deux intrigues entrecroisées : un polar avec un Méchant Très Très Méchant et une histoire fantastique basée sur la destinée et les vies antérieures.
Je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler, mais, en parallèle aux deux intrigues, on retrouve tout un cortège d’amusants personnages secondaires qui allègent le tout, assez lourd quand même : ça n’est pas forcément filmé de façon cru, mais je mettrais bien quelques TW car la violence envers femmes et enfants est très présente.

Quant à moi qui aime le mélange fantastique et polar et les méchants punis, je n’ai rien à redire.
Ah, tiens, si, un dernier mot : Lui1 est interprété par Song Kang et j’avoue que j’avais un doute, genre il a plus une gueule d’ange (voire d’angelot) que de sombre démon. Mais, en réalité, c’est tout à fait raccord avec l’intrigue et la mythologie posée ici.

Aime-moi, aime ma voix (2023) ou la découverte de la fluffy romance

Temps de lecture : 4 minutes

33 épisodes de 45+ minutes

Avant toute chose, je dois vous avertir que ce billet va contenir des spoilers quoique, en réalité, je ne vois pas réellement comment spoiler de la fluffy romance… mais, au cas où, je préfère vous avertir.

L’été passé, je vous ai longuement parlé de la série Lost You Forever puisqu’elle a été le sujet de trois de mes billets. A cette occasion, j’ai découvert l’acteur et chanteur Tan Jianci et, de vagabondages webesques en vagabondages webesques, je suis tombée sur Aime-moi, aime ma voix, sans autre info donc que l’acteur incarnant le rôle principal a, comme le suggère le titre, une voix magnifique.

Suite…

Le génie n’existe pas

A chaque moment, il y a une personne, parce qu’elle est là au bon moment, qu’elle a du talent et de la chance, qu’elle travaille dur, qui va être remarquée. Ce qu’elle fait est vraiment bien, mais elle n’est pas unique.
Ou il y a une autre personne, parce qu’elle est riche, puissante ou qu’elle a les bons contacts, qui va percer.
La réalité est qu’il y a beaucoup d’artistes, des écrivain·es, des plasticien·nes, des acteurices, des… et beaucoup sont très chouettes.
Et vous n’avez pas le temps, matériel, même en étant très oisif·ve de tout lire, écouter, voir…
Ce qui signifie, statistiquement, que tout artiste, aussi bon·ne soit-iel, est remplaçable.
Alors, quand vous décidez de lire / voir / écouter… une personne raciste, sexiste, transphobe, validiste… bref, haineuse sous une forme ou une autre, vous faites un choix politique.
Parce que l’œuvre dont vous affirmez que vous ne pouvez pas vous passer, elle existe ailleurs, sous une forme un peu différente, mais tout aussi agréable. Et, bonus, il est probable qu’une personne haineuse ne soit pas tout à fait safe dans toute son œuvre alors qu’une personne ouverte et bienveillante ne vous laissera aucun malaise au détour d’une phrase.
L’art est merveilleux, indispensable, nécessaire… mais pas unique.
Si vous pouvez tenter de consommer éthique dans les domaines de l’alimentation, du transport… vous pouvez le faire aussi quand vous vous cultivez, détendez, réjouissez…

Mr. Queen (2020)

20 épisodes de 66/81 minutes
2 mini-épisodes bonus (30 minutes et 3 chapitres chaque) sous le titre
Mr. Queen: The Bamboo Forest

Suite à un accident, Lui1 (Kim Jung-hyun), homme de notre époque, se réveille dans le corps d’Elle1 (Shin Hye-sun), reine il y a 200 ans. Chef cuisinier à la Maison-Bleue, dragueur invétéré et hétéro, il essaie d’abord de trouver un moyen de « s’échapper » (ce qui, bien sûr, lui est impossible : comment contrôler pareille chose ?) avant d’accepter sa condition (i.e. survivre dans un palais bourré d’ennemi·es, aux côtés d’un roi qui ne l’aime pas).

Lorsque j’ai énoncé le pitch devant Cadette, elle a remarqué : « On dirait le début d’un anime ! » et je trouve que cela correspond assez bien. Cela débute de façon assez drôle/décalé : Lui1, obsédé par les femmes et par son propre pénis, fuit le roi et rêve de charmantes concubines ; pour conquérir le coeur d’Elle2, la méchante douairière régente, il utilise ses talents de cuisinier ; Lui2, le roi, fait semblant de lire du porno en journée au lieu de travailler pour dissimuler ses plans… et les musiques viennent ponctuer les actions.

Et puis, forcément, petit à petit, l’histoire devient plus sérieuse : les méchants complotent et Lui1-Elle1 doit échapper à la mort, les relations prennent de la profondeur…

Suite…

Portrait de sac

Le Rose & le Noir fait partie des blogs que je suis depuis plusieurs années et, il y a plusieurs années donc, elle avait partagé quelques portraits de sacs, initiative qu’elle a reprise ce matin. Je m’étais donc prêté au jeu à l’époque, mais, comme j’ai fait disparaitre tout un tas de mes précédents billets au fil de la suppression/recréation de mes blogs, impossible de retrouver l’archive, forcément.

Néanmoins, l’exercice m’amuse toujours autant car, s’il raconte les quotidiens, il raconte aussi (surtout ?) comment chacun·e optimise ou se sécurise. De quoi as-tu absolument besoin à n’importe quel moment ? De quoi risques-tu de manquer (hormis, of course, la carte bleue et les clés) ?

Bref, à mon tour :
le sac à main est de la marque Anekke que j’aime beaucoup car j’ai le sentiment d’être face à des saynètes qui me racontent quelque chose ;
le portefeuille (cartes et monnaie) est un Fossil en cuir que j’ai depuis plusieurs années maintenant. Quand je l’ai acheté, la vendeuse m’a fait une histoire car il était « pour homme » et donc « pas pour moi » (true story) ;
la coque avec un ours en peluche Nasa, c’est mon iPhone 7+ (2017) qui me sert pour tout (photo, baladeur, carnet de notes…) ;
la trousse Renard est ma trousse « périodique » : tampons et serviettes (donc je ne l’ai pas toujours sur moi) ;
la trousse Camouflage, ce sont les médocs (Doliprane, Spasfon…), pansements, gouttes pour les yeux…
la pochette Greece pour les papiers qui ne logent pas dans le portefeuille (carte d’identité, carte de mutuelle…) ;
un sachet de courses réutilisable ;
mes écouteurs d’iPhone ;
des mouchoirs en papier
et un anti-moustiques : je l’ai avec moi plusieurs mois par an sauf vraiment les mois « froids » (quels mois « froids » ici ???).

En me relisant, je réalise qu’on ne voit pas le porte-clé Père Noël Lego accroché au sac ! (Ledit sac a un anneau pour les babioles et j’ai perdu le beau pompon rouge qu’il avait à l’origine…)

Pour la photo, j’ai mis le petit parapluie Anekke, mais, en réalité, je ne le prends quasi jamais : je fais partie de la team regarde la météo avant de sortir donc, s’ils annoncent de la pluie, je prends un parapluie transparent non-pliable (la pluie est rare, mais sévère) et, l’été, j’ai une ombrelle en permanence qui peut faire parapluie au besoin.

A tout ça, il manque une gourde… J’ai une Panda de chez Pylones et j’avoue que j’en ai achetées plusieurs (pour offrir) : en conventions, par exemple, j’aime bien l’idée de la gourde reconnaissable que les potes te ramènent si tu l’oublies quelque part.

Je suis plutôt contente de mon idée (par forcément originale) de la trousse périodique : quand tu es au travail, en soirées chez des ami·es… plutôt que de traverser les pièces/couloirs avec ton tampon serré dans ta main (qui ne sera pas de la bonne taille une fois que tu es sur les toilettes) ou de transporter tout ton sac à main, la trousse est idéale.
Par contre, comme elle est discrète, je peux avoir tendance à l’oublier dans les toilettes d’un resto (et c’est comme ça que j’ai perdu la précédente)…

Missing: The Other Side (2020)

12 épisodes de 59/76 minutes

Les fantômes des morts dont le corps n’a pas été retrouvé vivent dans un petit village perdu en montagne. Lui1 (Soo Go) est… un mec génial. Juste. Pas un génie ni rien, je veux dire, un mec bien qui ne supporte pas l’injustice, vole au secours des autres, n’a peur de rien quand il s’agit d’aider. L’histoire débute par deux évènements : il est témoin de l’enlèvement d’Elle1, la fiancée du Lui2, et il découvre le village / qu’il peut voir les fantômes.

Lui1 va être poursuivi par les ravisseurs d’Elle1, puisqu’il a été le témoin de leur crime, va croiser la route de Lui2, qui est policier.

Pour ce qui est de l’intrigue, puisque c’est un polar, nul besoin d’en dire plus. Il y a deux affaires principales et Lui1, aidé de Lui3, autre personne pouvant voir le village et ses fantômes, peut directement interroger les victimes.

Sur le papier, le sujet est vraiment parfait et j’ai adoré les premiers épisodes. Du polar fantastique, l’idée du village et de ses fantômes est vraiment sympa… mais il y a un petit quelque chose qui cloche. Le début part très fort car Lui1 est poursuivi par les Méchants et manque de mourir plusieurs fois. On se dit qu’il y a quelque chose de magique chez lui… et puis non. Alors que la série n’est pas super longue (seulement 12 épisodes), j’ai eu le sentiment d’un petit essoufflement. Ou, plutôt, moi qui ai l’habitude de dévorer les séries d’un trait, j’ai laissé passer plusieurs jours avant de regarder les deux derniers épisodes.

Parce que la magie, l’originalité… semblent cantonnées au début. Ensuite, les choses se déroulent seulement sans vraiment nous surprendre.

Ne vous méprenez pas : rien que par son cadre, je trouve que cette série vaut la peine. Elle s’essouffle, mais elle ne devient pas nulle. Juste, je me dis, il y avait de quoi faire mieux/plus… mais ça en reste un polar fantastique bien sympa.

Ce billet a également été publié sur la #TribuneVdR.

Daily Dose of Sunshine (2023)

12 épisodes de 50/70 minutes
TW suicide, automutilation

Série toute récente puisque sortie vendredi dernier sur Netflix.
Elle1 (Park Bo-young) est infirmière en hôpital psychiatrique.
C’est tout ?
C’est tout.

Elle1 mute en Psychiatrie à la demande de sa cheffe précédente, qui la trouve « trop gentille », comprendre que, comme elle prend le temps de faire attention à chaque patient·e en situation de sous-effectif, elle est « trop lente ».
Nous voilà donc à suivre le quotidien d’Elle1, of course, mais également de son meilleur ami, Lui1, qui a démissionné de son précédent travail où il gagnait bien sa vie, d’Elle2, sa collègue infirmière, qui semble si froide, de Lui2, chirurgien colorectal qui s’éprend d’Elle1, de Lui3, docteur en psychiatrie épris d’Elle2…
Si des couples se forment, nous ne sommes clairement pas dans la Romance, juste dans le quotidien qui va nous attacher à plusieurs patients en lutte contre la maladie mentale.

Alors… c’est de la fiction : quoiqu’en sous effectif, l’hôpital tourne bien, les médecin·es et les infirmier·es sont tous compétentes et les traitements fonctionnent.
Le monde de l’entreprise qui broie chacun·e est, par exemple, l’un des méchants de l’histoire.
Et si l’un des patients s’est évadé dans les jeux vidéo, les jeux ne sont jamais pointés du doigt, mais bien la pression sociale à trouver du travail dans une société qui n’en a pas pour tout le monde.

N’étant pas concernée, je ne peux pas juger de la pertinence de certaines descriptions, mais j’ai beaucoup aimé la mise en scène du ressenti intérieur de certaines affections et le message global : la maladie mentale est une maladie et il n’y a rien d’honteux à tomber malade, à demander de l’aide.
J’aime bien aussi le choix de la spécialité de Lui2 : les maladies colorectales sont aussi des maladies « comme les autres ».
Si tous les personnages sont attendrissants et l’ensemble plein de bienveillance, je mets seulement un bémol sur Lui2 et Lui3 : les deux médecins sont parfaits. Ils ne se fâcheront jamais, ne prendront jamais de mauvaises décisions, ne feront jamais de mal à personne…

Bref, sous réserve que mon avis est celui d’une personne non informée, j’ai beaucoup aimé cette chronique sur des sujets encore trop tabous.

Obsolescence programmée ou quelle voix pour ta SF ?

Lorsque la revue Bifrost (publiée par le Bélial) est née, y’a beaucoup d’années, j’étais ravie : oh, une revue SF en librairie ! On était en 1996, Internet démarrait à peine, on ne pensait pas encore à des sites d’actu en ligne ou à des blogs…
Je vais même ajouter que, à cette époque, j’étais une jeune femme. Optimiste1. Je pensais que les salaires des femmes et des hommes étaient équivalents et des tas de trucs du même genre.

Et puis il a bien fallu ouvrir les yeux. Si Bifrost était une des rares revues de SF, c’était aussi un boys’ club qui s’imaginait les rois de la montagne. Ce tournant, je le place en 2011.
Pourquoi 2011 ? Parce que c’est cette année-là qu’ils ont publié un torchon sous prétexte de décerner leurs Razzies annuels.
— Ah ah, c’est de l’humour, tu comprends rien !
Je ne me souviens pas de ce que j’en ai dit à l’époque car j’ai perdu pas mal de billets au cours de mes déménagements (webesques) successifs, mais Lucie Chenu a écrit sur le sujet et me mentionne : Razzies 2011 : quand la mauvaise foi se confond avec la diffamation. (Oui, le titre est un bon résumé.)

Au fil du temps, j’ai donc fait plus attention à leurs agressions, qui visaient sans surprise principalement les autrices.
Il y a un an, à l’occasion de son numéro sur Octavia E. Butler, la revue se parait d’une couverture… raciste.
— Pourquoi tu dis que c’est raciste ?
Franchement, je ne suis ni ta mère ni ta prof. Si tu ne vois pas le racisme de l’illustration, je ne peux rien pour toi.

Un an plus tard, same player, same game : couverture sexiste pour Anne Rice.
Luce Basseterre en a parlé sur Facebook et plusieurs autrices se sont jointes à ses remarques.
Prise de conscience de la rédaction ?
Malgré leurs grandes déclarations d’intention qu’ils ont changé, qu’ils sont plus ouverts, que… c’était peu probable qu’ils soient sortis du 20e siècle s’ils étaient OK avec leur racisme en 2022.
Bref, on a eu droit à tous les ouin ouin habituels des mascus dans ce genre de cas.
Et, comme une couverture sexiste ne serait pas complète sans son édito qui craint, le challenge a été relevé.
— Hein ? Quoi ?

ActuSF a annoncé sa liquidation en septembre et j’en ai notamment parlé dans un billet.
On peut très bien penser qu’ils n’ont pas été les meilleurs gestionnaires du monde, ça arrive, ce n’est pas un crime, toujours est-il qu’ils avaient une ouverture que le Bélial n’a pas.
Parce que, bon, le catalogue du Bélial n’est pas super lisible en ligne donc des pépites peuvent se cacher dans les trous de la Toile, mais, majoritairement, leur catalogue, c’est des mecs, des anglosaxons, des noms connus. Je ne dis pas qu’il ne faut pas les publier, mais ce n’est clairement pas l’éditeur qui prend des risques et œuvre pour la SF française2.
Et donc, dans son éditorial, au lieu de se taire, par respect pour le collègue qui a mis la clé sous la porte ou de dire un ou deux mots polis, Olivier Girard, le rédac’chef de Bifrost et éditeur du Bélial, se fout de la gueule de celui qui a osé, de celui qui a ouvert son catalogue.

Alors, en réalité, il a le droit, hein.
Quand tu es toujours debout et que l’autre est à terre, tu peux choisir de te moquer.
D’ailleurs, tu as raison, ça prouve que tes choix sont les bons puisque tu es toujours là.
Ouais… En même temps, quand tu es toujours debout parce que tu ne prends pas de risques, parce que tu restes au siècle précédent, tout en distillant ton venin sur les autres, les femmes et tous ceux qui ne sont pas tes potes, t’es toujours debout, mais ça n’a aucun intérêt pour la majorité qui n’est pas avec toi.

Maintenant, je vais reprendre ce que j’ai dit dans mon billet de septembre : une revue-papier en 2023, ça a du sens ?
Il y a quelques jours, je parlais du prix du livre et autres considérations et Matthias Wiesmann a rebondi avec un billet où il évoque notamment la dinguerie du papier : on produit du papier pour des produits jetables qui encombrent plus qu’ils ne sont lus.

— Ouais, mais Bifrost est une des rares revues de genre et c’est trop cool et ils ont des critiques et…
Réveille-toi !
Il y a plein de sites consacrés à l’actu SFFF et des blogs.
— Oui, mais les critiques de Bifrost, elles sont meilleures parce que…
Bien sûr que non. Il y a de bons chroniqueurs chez Bifrost et des mauvais, comme c’est exactement le cas sur tous les autres sites en ligne et chez les blogueur·ses.
Sauf que si tu n’explores pas ces sites, tu n’en parles pas… tu étouffes l’info et la diffusion.

Alors tu as le droit, hein, d’avoir ton aberration écologique à toi, on a tous de mauvaises pratiques à se reprocher, tu as le droit de te reconnaitre dans une ligne éditoriale tenue par des boomers qui ne sont pas capables d’ouvrir les yeux sur leur racisme/sexisme… mais, si l’on veut promouvoir la SF en France, si l’on veut promouvoir nos auteurices, si l’on veut briller un peu… ils ne seront pas dans la danse.
Et le site d’ActuSF est sans doute bien plus utile que Bifrost.

— Mais, du coup, là, ton billet, c’est plus un coup de gueule qu’une info ! J’ai rien appris !
Ouais… Voilà, c’était samedi soir, moi aussi, je peux avoir des humeurs.

Parce que, tu vois, dans mon précédent billet, j’évoquais le sujet du livre de genre en France et il faut être très réaliste. Il y a peu d’éditeurices SFFF et, pour être pérennes, chacun·e d’elleux ne doit pas publier plus de 25/30 titres par an. Si tu ôtes quelques classiques, des valeurs sures pour faire un peu d’argent, un peu d’auteurices internationales parce que le français ne cause pas super bien anglais, il n’y a quasi aucune place pour de nouvelles plumes et, rapidement, tu vois que les « nouvelles » plumes, ce sont deux/trois personnes qui vont rester « nouvelles » quelques années.
Je ne blâme personne : y’a pas le choix. Dans le système actuel, du livre, capitaliste, on ne peut pas faire mieux.
En parallèle, on a peu de festivals de genre et un public qui ne se renouvelle pas forcément.
— Ouais, t’exagères, on a les Utopiales et…
Vraiment ? UN gros festival à l’échelle d’un pays comme la France, ça suffit ?
Pendant ce temps-là, de grosses conventions geeks représentent l’imaginaire en France : jeux vidéo, mangas, Cosplay…

Alors, on a tous le droit d’être le vieil oncle raciste de Noël, hein…
Le souci, c’est que, pendant qu’on se satisfait de l’obsolescence, on est absent de la réalité.

  1. Tu veux dire naïve… ↩︎
  2. Sérieux, si tu me sors un ou deux titres d’une nana débutante en me disant que, si, ils font le taf, je ne vais pas te suivre ! ↩︎

Du prix du livre, de l’édition d’imaginaire, du JdR et de la CNL…

Hier, l’émission La Science, CQFD recevait Jérôme Vincent (ActuSF), Mireille Rivalland (l’Atalante) et Olivier Girard (le Bélial).
Si ActuSF a fermé ses portes début septembre, Jérôme annonce qu’il y a actuellement l’examen de deux offres de repreneurs et ces trois maisons d’édition sont plus que représentatives de l’édition indépendante en littérature de l’imaginaire.
L’émission, titrée « Littératures de l’Imaginaire : des éditions sur le fil », est plutôt technique car elle parle surtout du métier, des chiffres…

Le fait est assez connu, mais de récentes discussions sur les réseaux m’ont fait douter des idées répandues sur le sujet alors j’ouvre une parenthèse :
En France, nous avons la loi sur le prix unique du livre. Je vous mets le lien vers la fiche sur le site de Service-public.
C’est une spécificité nationale et, concrètement, il en découle que
en tant que lecteurice, peu importe où tu achètes le produit (petite librairie de quartier, grande surface, site en ligne…), le prix sera toujours le même donc tu n’as aucune raison de comparer les prix : tu vois, ça te plait, tu peux acheter… donc tu vas volontiers acheter dans un magasin de quartier ;
la rémunération de l’auteurice est un pourcentage du prix public du livre donc, peu importe où tu l’achètes, lae créateurice est rémunérée de la même façon.
Concrètement, c’est donc une mesure qui permet principalement que les librairies continuent d’exister puisqu’elles restent concurrentielles : la différence, pour l’acheteur·se ne se fait jamais sur le tarif, mais sur les services associés (conseils, accueil, praticité…).

Dans l’émission, les 3 éditeurices abordent la question du retour des livres. Iels expliquent bien le truc donc je ne vais pas m’étendre dessus et, sur la fiche de Service-public, il y a un onglet sur ce point.

Dans le secteur ludique, il y a des boîtes de jeux de société, mais il y a également des livres de jeux de rôle. Ce qui entraine une petite spécificité : les livres de JdR sont des livres, donc sont soumis à cette loi sur le prix unique, mais sont diffusés par des boutiques de jeux et non des librairies.
Pourquoi je vous glisse cette info ici ? Parce que les boutiques et les librairies ne sont pas dans la même chaine économique et je vais vous en reparler un peu plus en détails plus bas, mais, déjà, au niveau des Vagabonds du Rêve, nous avons fait le choix d’avoir un distributeur pour nos jeux, mais pas pour nos livres.

Le Centre National du Livre (CNL) est un organisme d’Etat pour soutenir le livre et la lecture. Si l’on va sur son site et que l’on regarde les domaines littéraires soutenus, on y lit explicitement que les jeux de rôle n’en font pas partie.
La Fédération Française de Jeu de Rôle (FFJdR, dont je suis l’une des administratrices au moment où je rédige ce billet) a décidé de s’attaquer à cette question.
Pourquoi le livre de JdR ne serait pas subventionnable comme n’importe quelle autre création littéraire ?
Ici, je ne vais pas préjuger de la suite. Je pense que c’est un dossier sur le long terme, je ne sais pas s’il aboutira ou non, mais l’essai me semble tout à fait légitime.

Une chose très curieuse s’est produite.
Lorsque la FFJdR a communiqué sur ce projet (qui peut ne pas aboutir, mais qui ne nuit strictement aux intérêts de personne), des gens se sont offusqués :
Leur point de discorde était que, si le JdR devenait subventionnable par le CNL, la politique des retours s’appliqueraient désormais au jeu.
Hein ? WHAT ???
La loi sur le prix unique du livre s’applique déjà aux livres de JdR, la question des retours est en lien avec cette loi et ça n’a absolument rien à voir avec ce que le CNL soutient ou pas.

Le souci actuellement avec la décision du CNL, c’est que cela revient à classer les JdR avec les manuels et autres dictionnaires, comme s’ils rendaient compte de faits et comme si ce n’était pas des œuvres artistiques — alors que c’est ce qu’ils sont.

Mais, du coup, pourquoi les livres de JdR ne sont pas soumis aux retours ?
« Le droit de retour est un usage commercial qui autorise un libraire à renvoyer un livre non vendu. »
C’est un usage commercial, pratiqué par les librairies et les distributeurs qui travaillent avec les librairies — et lié au système particulier de l’office ; je vous mets le lien vers Wikipédia où c’est clairement expliqué.
Ce n’est pas une pratique du secteur ludique. Quand une boutique de jeux achète des jeux, elle achète des jeux de plateau, des boîtes, des cartes… et des livres, donc.

Ensuite… Lors de l’émission, Olivier explique que cette politique des retours est lié à la loi sur le prix unique, que cette loi protège les librairies, mais, comme l’émission en parle, les retours sont un souci structurel de la chaine du livre.

Je vais vous faire un aveu ? Je ne m’étais jamais posé la question.
Comme je ne fais que de la vente ferme avec les Vagabonds (donc pas de retours possibles), je ne suis pas allé regarder le détail des textes sur ce point. C’est ce que je vous précisais plus haut : si nous avions un distributeur pour notre activité Littérature, nous devrions nous soumettre à la politique des retours, ce que nous refusons catégoriquement (pour les raisons financières, éthiques, écologiques…).
Et, ce soir, je découvre :
« Les ouvrages invendus pouvant bénéficier du droit de retour sont les suivants : L’office (service d’envoi aux libraires par les diffuseurs de nouveautés ou de réimpressions), sauf exceptions (livres scolaires par exemple). Ces ouvrages figurent dans la grille d’office, qui indique la quantité voulue par le libraire pour chaque ouvrage.
Le noté (commande supplémentaire d’ouvrages faisant partie de l’office) bénéficie généralement des mêmes conditions que l’office. »
Les retours ne peuvent pas s’appliquer aux commandes « normales », i.e. quand on te contacte pour avoir quelques exemplaires parce qu’un·e client·e a parlé de ton bouquin.
Sauf que, en tant qu’éditrice, souvent, quand une librairie me contacte, elle me demande mes conditions et c’est à moi de lui opposer que nous ne faisons que de la vente ferme alors que… ça ne peut être que le cas !

Sinon, dans les autres points intéressants que j’ai notés, il y a une comparaison qui est faite entre les nécessités des éditeurs indépendants et celles des grands groupes et je vais extraire :

1/ Pour faire face à ce problème de risque d’emballement lié à cette existence des retours, Mireille et Olivier évoquent le fait que, chaque année, iels ne publient qu’un nombre limité (bien défini) de titres. Iels ne font pas de course à la trésorerie.
C’est à la fois sain, mais… impératif, je dirais.

2/ En parallèle avec ce 1/, il apparait que, contrairement aux autres secteurs du livre, la part du chiffre d’affaire liée au fond (en concurrence avec les nouveautés) est plus importante (50 % au lieu de 30 si j’ai bien entendu/retenu).

Je crois que c’est Olivier qui précise que l’édition indépendante doit donc travailler sur des années, voire des décennies, et il cité notamment le succès tardif de Game of Thrones.

Voilà, je vous ai livré ici quelques retours parce que cette émission est intéressante et cela fait également suite aux échanges que j’ai pu avoir à Octogônes, notamment avec des éditeurices et ma casquette FFJdR.

Plus haut, il y a des points techniques (juridiques ?) sur lesquels je peux avoir commis une erreur d’interprétation. Si c’est le cas, n’hésitez pas à me les signaler en commentaires (et j’éditerai au besoin).
Comme ce billet est crossposté sur mon blog et sur la #TribuneVdR, afin de ne pas perdre d’éventuelles discussions, les commentaires ne seront ouverts que sur la Tribune.