Une romance toxique pour public averti et des complots WTF à gogo
56 épisodes de 15 minutes
Adaptation de la série thaïlandaise Game Sanaeha (2018)
(A noter que, lorsque je parle de « public averti » au dessus, il n’y a aucune scène sexuelle explicite ou rien, je fais référence à la toxicité de la relation entre les deux héros.)
Ils ont grandi ensemble dans une famille riche : Elle (He Rui Xian) en tant qu’enfant biologique, Lui (Fan Zhi Xin) en tant qu’enfant adopté quand sa mère, qui travaillait pour ladite famille, disparait. Au lycée, ils sont très amoureux l’un de l’autre, mais Lui change brutalement d’attitude envers Elle à 18 ans et la quitte pour Elle2. Blessée, Elle part à l’étranger où elle vit quelques relations et on sait que Lui la fait suivre. Ce qui peut relativement se justifier puisque, en tant qu’héritière riche, elle pourrait être victime de personnes mal intentionnées.
Quand Lui prend le poste de PDG de leur entreprise familiale, Elle revient car elle ne l’entend pas de cette oreille. C’est alors qu’elle découvre que, en plus de la prise de contrôle de Lui, Elle2 (l’ex de Lui) est désormais en couple avec leur père qui a divorcé sans qu’elle le sache. Et Elle a toutes les raisons de penser que c’est Lui qui a mis ensemble Elle2 et leur père, détruisant le mariage de leurs parents.
Ils se provoquent, mais, assez vite, Lui se déclare et, en réponse, Elle lui propose un pari : il a 3 mois pour la séduire ou il devra quitter l’entreprise / leur famille.
Alors… si Elle peut douter des sentiments de Lui, nous, en tant que spectateurices, savons très vite qu’il est vraiment et profondément amoureux d’Elle. Quelles sont les raisons pour lesquelles il a mal agi à 18 ans puis maintenant ?
C’est la première partie de l’histoire. Puis un nouvel évènement vient les séparer quand ils se rapprochent et, ensuite, le Vrai Méchant se révèle et tout part en sucette.
L’intrigue est… WTF. Je dirais qu’il faut accepter ce deal de départ ou laisser tomber : on est dans des liens familiaux qui partent dans tous les sens (pères non connus, remariages, etc.) et des complots financiers / d’entreprise.
Donc… si on accepte ça… à savoir rebondissements invraisemblables pour créer une addiction…
La réalisation est soignée, les acteurices jouent bien. On se prend au jeu de la prochaine révélation, du prochain coup bas…et, avec ce genre de format (épisode d’une durée de 15 minutes environ), ça signifie que chaque épisode a son propre rebondissement, ce qui fait un rythme assez soutenu… et souvent tiré par les cheveux, forcément.
Le gros de l’intrigue repose sur le fait que le Père a pris plein de mauvaises décisions par cupidité et que Lui prend toujours le plus mauvais chemin pour résoudre les problèmes. S’il n’a pas été franc avec Elle à 18 ans (il était jeune toussa), il n’en a rien appris et continue de tout lui cacher… ce qui fait que ça ne peut que tourner mal.
Bref, de la tragédie pur jus : à tout moment, tout pourrait se résoudre si Lui communiquait normalement.
On a donc avec une romance plutôt toxique (mensonges, manque de confiance, jeux qui ne peuvent que mal tourner) et des complots et… j’ai bien aimé dans la catégorie « plaisirs coupables ».
J’ai d’abord bien aimé à cause du jeu des acteurices, forcément : Lui est notamment un amoureux torturé très convaincant et Elle et Lui se battent surtout parce qu’ils sont têtus et orgueilleux. Contrairement à pas mal de romances, il n’y en a pas un des deux qui apportent la sagesse ou la compréhension. Ce facteur (sagesse) arrive toujours de l’extérieur, quand un tiers parle à l’un ou l’autre. Encore côté romance, le désir sexuel n’est pas laissé de côté et les choses sont rapidement chaudes.
J’aime bien aussi le fait que, malgré le sujet, on ne tombe ni dans le voyeurisme ni dans le glauque. Par exemple, à un moment, un gars veut nuire à la réputation d’Elle et la filme dans une fausse situation, mais on n’a pas une tentative de viol, c’est juste une mise en scène.
Néanmoins…
Lui est un personnage problématique. Pas parce qu’il nourrit une vengeance au départ et ce qu’il regrettera plus tard.
Même si j’ai réussi à ne pas spoiler plus haut sur l’histoire générale, il y a des choses qui ne sont pas OK sur le plan sexuel et je vais être obligé de donner des détails pour en parler.
Donc… SPOILERS EN APPROCHE !
Dans sa relation avec Elle, j’ai noté 3 gros soucis : Lui commence par des baisers forcés, elle a bu lors de leur premier rapport sexuel et, plus tard, il tente de l’agresser.
Je n’arrive pas à déterminer ce que je trouve acceptable pour servir l’intrigue et ce qui aurait pu être évité.
Dès le départ, je pense qu’on est prévenu (le sujet, la bande annonce…) qu’on va suivre une relation où les personnages se font du mal. Le moteur repose sur le fait que Lui est tout à la fois très amoureux, mais commet de nombreuses erreurs en croyant résoudre les problèmes.
Par exemple, on devine, vu combien il aime Elle, qu’il n’est sorti avec Elle2 que pour repousser Elle, pas parce qu’il avait changé d’intérêt amoureux.
Les baisers forcés du début peuvent mettre en scène le fait que Lui ne se contrôle pas : il a chassé Elle à l’étranger, mais n’a probablement pas supporté son absence. De plus, et ça n’est pas négligeable, le fait qu’Elle lui propose de parier qu’il arrive à la séduire après les baisers forcés laisse entendre qu’elle ne lui en tient pas rigueur : si tu considères un gars comme ton agresseur, tu ne vas pas le provoquer (le motiver à gagner) un pari dont tu es la récompense ?
Le premier rapport alors qu’Elle a bu a un intérêt dans l’intrigue : au réveil, Lui pense qu’ils vont être ensemble tandis qu’Elle utilise l’excuse de l’alcool pour affirmer que ce n’était que le coup d’un soir.
La tentative d’agression sexuelle intervient plus tard dans le récit à un moment où Lui est vraiment au bord du craquage. Ce qu’il fait est moche, mais on nous montre que la situation lui fait perdre la tête.
Du coup… le fait que Lui soit problématique matche avec le personnage, en vrai, qui démarre l’histoire sans aucun recul ou maturité sentimentale. Et avec l’intrigue : Elle lance le pari parce que Lui la poursuit.
Je pourrais même reformuler ça : le personnage de Lui EST le moteur de l’intrigue. C’est parce qu’il commet erreur sur erreur que tout se produit. Ça peut donc s’entendre que c’est inclus dans le pack proposé : des rebondissements improbables jusqu’à plus soif car le héros ne prend que de mauvaises décisions.
Le souci… c’est qu’il n’y a aucune perspective morale, genre mot de la fin « ne reproduisez pas ça chez vous ».
Plusieurs personnages du récit ouvrent les yeux sur leurs erreurs et c’est vraiment sympa, mais Lui ne semble pas apprendre dans ce domaine. A un moment, il est très malheureux car il pense qu’il a perdue définitivement son amour (non), mais il n’y aura jamais évoqué le fait qu’il se soit mal comporté.
En réalité, ni Elle ni Lui ne semblent réagir à ce que ça ne soit pas OK.
Alors, si, lorsqu’il l’embrasse de force, Elle lui renvoie une claque ou, quand il tente de l’agresser, elle le repousse efficacement. Mais il n’y a aucun débrief, de moment où il réalise qu’il s’est fourvoyé.
A la toute fin du récit, la mère d’Elle explique à sa fille que, dans une relation, il ne faut pas trop tirer sur la corde car, sinon, le couple risque de ne pas se remettre de l’accumulation (leur cas) et Elle répond qu’elle sait quand s’arrêter, mais… c’est Lui qui devrait recevoir le mémo !
En bref… le jeu des acteurices fait que c’est tout à fait regardable en « plaisir un peu honteux » en sachant que le Héros n’est plus un personnage en tant qu’individu, mais vraiment l’outil de l’intrigue… et que Fan Zhi Xin le rend très bien : la façon dont il alterne le rire de désespoir, les larmes déchirantes… Cependant l’absence totale de regard critique sur son attitude et le fait même que, alors qu’il vient de l’agresser, l’Héroïne lui propose un jeu de séduction… fait que l’avertissement est de mise. A ne pas consommer sans recul critique.
Et c’est dommage en vrai : il suffisait d’une réplique de quelques secondes pour montrer un Lui conscient de ses agressions pour qu’il ne subsiste pas cette impression de « OK, j’ai tout regardé, mais ça craignait vraiment par moment ».
