Il y a deux sondages qui ont pas mal buzzé :
1/ des hommes déclaraient qu’ils pensaient pouvoir faire atterrir un avion de ligne (genre si le pilote faisait un malaise) ;
2/ des hommes déclaraient qu’ils pensaient pouvoir battre une championne de tennis.
Je n’ai pas retenu le pourcentage, mais ça n’a pas d’importance : même 1 %, c’est trop.
Non, Jean-Mi, si tu n’es pas pilote, tu ne peux pas faire atterrir un gros navion hyper complexe.
Et, si tu n’es pas un pro / champion de tennis, tu ne peux pas battre une championne.
On en parle beaucoup, mais il y a un vrai souci de « confiance en soi » (dans le mauvais sens) chez pas mal d’hommes, souci qui semble s’expliquer par des facteurs sociaux, mais qui peut devenir problématique en fonction des situations.
Parce que ça n’est pas grave que Jean-Mi1 pense battre une championne : 1/ il ne la croisera jamais et 2/ s’il la croise, elle le battra à plate couture et il n’y aura aucun blessé (hormis son amour propre).
Mais, dans certaines situations, ça peut entraîner des catastrophes plus ou moins graves.
Connaître ses compétences, évaluer ses limites… peut devenir une question de survie et, dans tous les cas, c’est indispensable pour des relations sociales de qualité.
Si tu es invité à un congrès de chirurgiens cardiaques2 et que tu n’es pas médecin, tu te renseigneras avant d’y aller et, sur place, tu ne diras pas un mot.
Tu ne prendras pas la parole en pleine conférence pour donner ton avis de non-professionnel.
Ça te semble une évidence ?
Cette évidence devrait être la base dans TOUS les domaines3.
A plusieurs reprises, pendant un repas SF, lors d’une convention de JdR… un homme 50+ ans vient me parler de féminisme. Il m’explique son idée des choses, idée pétée au doigt mouillé4.
On notera déjà que « je ne suis pas venu pour ça ». Si je vais à un repas SF, c’est pour parler de Science-Fiction (ou de Service Fait, va savoir), je ne me suis pas rendu à un congrès féministe pour débutants.
Mais, en vrai, on pourrait parler de tous les sujets tout le temps (non).
(T’as aussi Raymond, sur les RS, qui va t’expliquer qu’auteure est plus correct qu’autrice ou qu’il ne faut pas utiliser autrice tout court parce qu’on peut avoir des infirmières, mais pas d’autrices.)
Le truc, c’est que son idée pétée au doigt mouillé, ce n’est pas vraiment son idée, c’est l’idée de n’importe qui qui n’a pas réfléchi / ne s’est pas renseigné. C’est ce fameux « bon sens » qui te fait affirmer avec aplomb le plus de stupidités.
— C’est pas grave, ça se démonte assez facilement, non ?
— Non.
Pour se débarrasser de nos idées reçues, pour nous instruire, nous sommes nombreux·ses à avoir lu des articles, des essais, le résultat d’études sociologiques, à avoir écouté des témoignages, etc. Ça nous a pris du temps, on a probablement dû remettre en question nos certitudes, on a débattu avec d’autres gens qui avaient pris le temps de se renseigner.
On ne peut pas et on ne te doit pas de te transmettre tout ce bagage en 30 secondes.
Tu ne peux pas piloter un avion sans avoir pris des cours, tu ne peux pas battre un ou une championne de tennis si tu n’as pas un certain niveau de pratique, tu ne vas pas te mêler à des chirurgien·nes si tu ne connais pas leur sujet… et tu ne peux pas parler de féminisme au pied levé.
— Oui, mais les nanas, elles parlent de féminisme alors qu’elles n’ont pas toutes lu des tonnes d’études !
— Dans le domaine médical, par exemple, il y a deux types de personnes instruites sur un sujet : les médecin·es de la spécialité / maladie concernée… et les patient·es.
Les patient·es n’ont pas forcément fait d’études, mais iels ont expérimenté la maladie, les traitements… Hélas.
A Nice, tu as par exemple le Centre d’Innovation du partenariat avec les patients et le public (CI3P). Des patient·es viennent transmettre leur savoir aux médecin·es.
L’analogie fonctionne sur la question du féminisme.
Toutes les femmes ne sont pas forcément instruites sur le sujet, mais, a minima (hélas encore), elles ont expérimenté le patriarcat et ses effets néfastes sur leur vie.
Ce qui n’est pas le cas d’un homme5.
Et tu peux bien évidemment étendre ça à pas mal de sujets : racisme et personnes racisées ou non, validisme et personnes valides ou non, etc.
Ou en abrégé : es-tu concerné·e ou pas ? Si tu ne « subis » pas le système dont on parle, tu n’es pas concerné·e donc tu n’as aucune connaissance de base par défaut.
— Du coup, c’est quoi le message ?
— On peut parler de tout. C’est sympa. Mais on doit aussi avoir conscience de ses connaissances et capacités. Si on débute sur un sujet, on se tait et on apprend des autres. On a le droit de poser des questions. Dans des moments adéquats, à des personnes qui sont consentantes à être disponibles pour ça. Et des vraies questions pour se renseigner, pas des trollages.
« Les féministes sont violentes parce qu’elles parlent fort et qu’elles ont l’air un peu en colère, non, tu ne trouves pas » ?
Ça demande de définir violence, déjà. La violence, elle est peut-être plutôt du côté d’un système patriarcal où des femmes sont tuées, non ?6 Ou, en tout cas, si les deux sont des violences, il convient peut-être de les mettre en perspective ?7
Perso, ce billet est aussi un mémo pour le moi-du-futur : si on essaie à nouveau de m’embarquer dans une discussion ALC8, j’ai le droit de dire « non » et même de me barrer.
Et ça m’a amené à réfléchir à la fonction Commentaires du blog.
— Quel rapport ?
— A priori, j’aime bien que les gens puissent intervenir9.
Iels ont sans doute des choses passionnantes à raconter pour compléter les sujets que j’évoque et c’est cool.
Néanmoins, ce blog (et son trafic) est le résultat de mon travail.
Il y a peut-être des billets que vous lisez en quelques minutes, mais que j’ai mis plusieurs heures à rédiger. J’ai hésité, je suis peut-être allé chercher des liens pour compléter mon propos.
Alors si vous passez ici par hasard et que vous voulez déverser un long pavé avec vos estimations au doigt mouillé, ben… je suis libre de ne pas les accepter. Parce que j’ai bâti ce lieu pour m’exprimer et je suis probablement suivi par des personnes qui y trouvent leur compte.
Pas pour vous qui passez par hasard et n’êtes pas d’accord et c’est quand même dingue ce que les féministes peuvent écrire et…
Vous pouvez créer votre propre blog et y poster votre analyse non documentée. Avec Jean-Mi et Raymond.
- Oui oui, c’est un homme cisgenre, blanc, hétérosexuel, valide et riche de plus de 50 ans. Si ça te chagrine qu’il soit défini ainsi, demande-toi pourquoi. ↩︎
- Ça doit être mon idée d’un métier vraiment complexe… ↩︎
- Je ne parle JAMAIS de foot ni d’aucun sport ! ↩︎
- Oui, je sais, c’est une idée pétée OU une estimation au doigt mouillé, mais je suis écrivain, je fais ce que je veux, nah ! ↩︎
- — Oui, mais certains hommes… — Je m’en fous, Jean-Mi. Vraiment. C’est pas le sujet. On ne peut pas truffer un discours de « en général ». ↩︎
- Je te laisse chercher par qui… et la réponse n’est pas « les ours ». ↩︎
- De plus, comme « on » me fait remarquer : il convient aussi d’établir si la violence est forcément « mal ». Quand il s’agit de combattre un système oppressif ou de lutter pour vivre ou… elle peut être la seule voie ou la plus efficace ou… ↩︎
- « à la con ». Je voulais faire le malin et te mettre une NdBdP genre « tu trouveras ce que ça veut dire sur le Wiktionnaire », mais, à mon grand regret et à ma stupéfaite stupéfaction, ça n’est pas le cas. ↩︎
- Une amie m’a fait remarquer que c’était bizarre qu’on puisse commenter sur un blog, étant donné que c’est un·e auteurice qui raconte un truc de son point de vue… et une moitié de moi la rejoint totalement, en vrai. ↩︎