Attention, par son propos même, ce billet contient des spoilers.
Hier, c’était la diffusion du 8e épisode (sur 16) de #LoveNextDoor et, sans aucun lien entre les deux, j’ai fini #LoveIsSweet (un cdrama de 36 épisodes de 40 minutes et pour lequel je me suis fendu d’un retour sur SensCritique).
Dans Love Next Door, nous sommes donc à la moitié du récit (pile poil) et, là, on apprend qu’Elle est malade : elle a été opérée 3 ans plus tôt d’un cancer de l’estomac et, puisqu’elle souffre à nouveau, on peut craindre le pire. En amont, pas mal de fans s’inquiétaient déjà que la personnage principale soit malade car iels avaient noté plusieurs indices, notamment qu’elle ne buvait pas d’alcool (j’ai oublié les autres et, perso, je n’aurais rien vu).
Sans préjuger de la suite (qui rattrape peut-être tout ça)…
Netflix diffuse la série sur le modèle 2 épisodes / week-end. Cette forme est risquée. Si la série envoûte les spectateurices, c’est banco : iels vont en parler abondamment sur les réseaux, mais, s’il y a la moindre faiblesse, le décrochage est à prévoir. Parce que, quand tu regardes une série en une seule fois, tu peux être tentée de voir la suite malgré tout, comme elle est disponible. Mais, si tu décroches, en une semaine, tu es parti ailleurs.
C’est ce qui s’est passé pour moi sur Miss Night and Day (que j’ai abandonnée à une semaine de la fin) et, par exemple, je n’ai vu que 4 épisodes de Romance in the house pour l’instant (alors que 10 sont dispos, aucune idée si je vais reprendre).
Pourquoi Love Next Door (pour l’instant) ne fonctionne pas (selon moi) ?
L’enjeu narratif se bâtit autour d’un couple qui a du mal à communiquer. Elle et Lui se disputent beaucoup, pour des bêtises, et l’ex de Lui en parle plutôt bien : alors qu’il est d’une nature calme et réfléchie, en sa présence à Elle, il devient immature. Même si ce n’est pas un enjeu « supérieur », c’est déjà un enjeu qui vient d’occuper la moitié de la narration et… paf ! finalement, Elle est gravement malade ?
— Mais c’est l’intrigue de Queen of Tears que tu as adorée, quelle différence ?
L’exposé des enjeux. Dans QoT, au premier épisode, on te présente l’état actuel du couple, son échec, ce qui ressemble à une impasse, puis l’épisode se termine sur l’annonce de la maladie d’Elle. On t’annonce les enjeux auxquels les héros vont devoir faire face.
Sur Love Next Door, on te présente deux personnages maladroits et un peu bruts, on te faire rire d’elleux et, au milieu, donc quand l’histoire est bien avancée… en fait, c’est grave, elle est malade, tu réalises ? Et elle n’a rien dit à son meilleur ami, le gars à qui elle raconte absolument tout, t’a-t-on dit un peu avant.
Le pire, c’est qu’ils vont peut-être réussir à bien retomber sur leurs pattes, je leur laisse une chance, mais… il y a une erreur de construction à ce stade, qui risque de faire décrocher avant d’aller plus loin.
Je me suis longtemps dit qu’il ne fallait pas se laisser enfermer par des genres / étiquettes, je le pense toujours, mais… avec un bémol.
Je développe : tout est permis. Si tu as envie d’écrire une « romance de bureau » avec des éléments fantastiques, qui peut te l’interdire ? Et, d’ailleurs, en vrai, ça sonne plutôt bien comme idée.
Le truc, si je devais le poser comme une règle (et je déteste les règles), c’est que tu ne peux pas changer en cours de route, mélanger les étiquettes aléatoirement, en mode « je viens seulement d’y penser et je trouve ça cool, mais je n’ai rien préparé en amont ». Si tes amoureux·ses de bureau sont, disons, des elfes… iels ne peuvent pas s’avérer être des elfes en milieu d’histoire, sans raisons. Si une information a été cachée (et on a le droit), il doit y avoir un motif. Tu peux tout faire si ça a un sens.
Le cas de Love Next Door est parlant à ce niveau pour moi : pourquoi lae spectateurice ne sait pas qu’Elle est malade avant la fin du 8e épisode ? Qu’est-ce qui justifie que, nous, avec notre regard omniscient, on ne l’apprenne que si tardivement ?1
Dans une « comédie romantique », on ne tombe pas gravement malade. Or, en nous embarquant dans l’immaturité des héros, on nous a promis de la comédie. Elle et Lui se bagarrent comme de jeunes louveteaux…2
Du coup, ça m’a donné envie de prendre le temps de revenir sur la structure de Love is Sweet car je la trouve assez représentative d’erreurs à éviter.
C’est une comédie romantique et elle va le rester jusqu’à la fin (sur ce point, rien à dire). Quand iels étaient enfants, Elle étant allergique à ses propres larmes, son père a payé Lui pour qu’il veille sur elle, mais, voulant l’endurcir malgré elle, il l’a surtout harcelée assez cruellement.
Arrivés à l’âge adulte, alors qu’il est amoureux d’elle depuis toujours, elle le perçoit comme son pire ennemi.
La comédie est tirée par les cheveux, mais fonctionne : il est protecteur de façon abusive et va petit à petit comprendre qu’il n’agit pas de la bonne façon en étant confronté à son refus. Elle ne pouvait pas dire « non » enfant, mais, adulte, la situation est très différente.
La narration est un tout petit peu toxique car il n’y a pas toujours assez de recul sur les actions des uns et des autres, mais, dans ce contexte fictionnel, perso, j’ai trouvé que ça passait, hormis une ou deux scènes. Notamment lorsque la mère d’Elle veut se venger de Lui : elle l’oblige à boire une grosse quantité de vin d’un coup. Il se force et finit aux toilettes pour vomir. Néanmoins, la mère s’excuse ensuite (mais, bon, ça aurait été mieux de ne pas…).
Ca, c’est donc le cadre général : les héros sont là pour nous faire rire à leurs dépends. Alors qu’Elle est en colère après Lui, elle lance le lave-linge sans ses vêtements (à Lui). Quand il le découvre, il ne la confronte pas ni ne se contente d’ajouter son propre linge : il éteint la machine.
Sauf que… je pense qu’il y a cette idée (fausse à mon sens) qu’une comédie ne se suffit pas à elle-même, qu’il faut affronter des Méchants… OK.
Le premier Méchant est un patron violeur qui a abusé d’une jeune danseuse en formation. Il est conseillé / soutenu par Lui33 4, le rival de notre héros.
Lui3 est donc au départ dans le camp des Méchants, option fourbe et manipulateur, mais il s’éprend d’Elle. C’est un personnage très vite attachant : il a grandi dans une famille toxique, il a subi de mauvaises influences, mais, rapidement, face à la gentillesse d’Elle, il évolue.
Arrive l’affrontement avec le Boss final : celui-ci est bien plus méchant que le violeur, puisqu’il a tué le père d’Elle. Il est très puissant et, pour le combattre, Lui3 apporte son aide. Vraiment. Pleinement.
Non seulement il rejoint l’équipe des Gentils, sans écart, mais il convainc sa sœur (personnage très problématique) de changer. On est donc dans un arc de rédemption de haut niveau : un personnage qui change, mais change également les autres.
Quand tu as affronté le Boss final et que tu as converti des Méchants en Gentils, c’est fini. C’est le moment de te marier ou de faire des bébés (là, dans cette série, visiblement, c’est le motif « bébé » qui est en priorité). Sauf que… pouf ! Lui3 se transforme en méchant.
Hein ??? Quoi ???
Dans les derniers épisodes, Lui3, auquel tu t’es forcément attaché, devient méchant, agresse Elle… mais fait amende honorable finalement parce que, bon, les scénaristes ne savent plus dans quel camp il est et, comme Elle l’aimait bien, si elle s’est trompée, elle passe pour une idiote. (Oui, c’est vraiment comme ça que je comprends la fin.)
Je trouve que cette série est un bon exemple de choses à ne pas faire.
Déjà, introduire des thématiques sombres dans une comédie, c’est risqué et, franchement, je n’ai pas été emballé par l’affrontement avec le Boss final, mais disons que ça passe.
Mais tu ne peux pas changer les arcs des personnages en cours de route, en fonction de ton humeur. Si tu démarres avec un Rival plutôt Méchant et qu’il suit un arc de rédemption sans doute possible (vraiment, le gars est très influencé en bien par son amour pour Elle et va faire des trucs cools), tu ne le changes pas à la fin de l’histoire sur un coup de tête. Avec une réplique stupide, genre lui faire dire à celle qui l’aime : « Mais, si, j’étais un Méchant ! »
Non seulement ça dessert l’héroïne, qui aurait eu tort de faire confiance, mais ça donne un moment toxique / mesquin au héros qui peut lâcher la bride à sa jalousie.
Ce qui est du gâchis, en vrai, car la romance décalée fonctionne à mon avis. (Mention spéciale à la façon dont Lui emménage avec Elle…)
— Et, du coup, tu vas casser ton arc narratif si tu ne termines pas ce billet sur une conclusion !
Hé bien… en guise de conclusion, je dirais qu’on peut tout faire… mais pas forcément en même temps. Si tu es en train d’écrire une comédie, tu peux te dire brusquement que tu as envie d’Action ou… mais tu ouvres un 2e fichier et tu commences une autre histoire.
Il vaut mieux 3 courtes histoires réussies qu’un long roman fleuve où tu mets tout ce que tu aimes en désordre. Dans Love is Sweet, si Lui3 était resté adorable, il pouvait y avoir des scènes rigolotes où Lui est jaloux sans raison, c’est un motif classique, mais tendre et drôle. Et, en tant qu’héros, ça lui aurait permis d’évoluer, de faire confiance à Elle, etc. Là, on a un acteur (le Rival) qui a dû jouer à la suite une scène où il est un agresseur et une où il sourit doucement, plein de regrets et de tendresse, quoi !
- On m’oppose que l’usage de la comédie est au contraire nécessaire au drame puisque c’est la comédie qui va faire qu’on s’attache aux personnages. Disons que QoT m’a convaincu car tout se passe en un chapitre (avec des éléments comiques dispersés ensuite) tandis qu’il me semble que LND a été inutilement bavard avant d’en arriver au point de bascule. ↩︎
- Note à moi-même que, déjà le week-end d’avant, j’ai tiqué sur l’épisode 6 où Lui devient inutilement méchant (mais se rattrape aux branches dans le 7)… ↩︎
- — Pourquoi tu le numérotes en 3 alors qu’il n’y a pas de 2 ??? — Parce qu’il est en 3 dans ma chronique sur SensCritique, histoire de rester raccord pour celleux qui liront mes deux billets. ↩︎
- — Mais, du coup, Lui3 a la 3e NdBdP ??? Ca ne va pas créer une perturbation dans l’espace-temps des NdBdP et de ta numérotation bébête des persos dans tes chroniques ??? ↩︎