Et voilà pourquoi, monsieur le juge, je n’écrirai pas un roman…

Dîner entre amis.
Après avoir refait le monde et descendu quelques bonnes bouteilles de vin, la discussion devient plus intellectuelle (quand la vie est plus rose, tout est plus sophistiqué) et on s’interroge sur l’Art avec un grand A car, dès demain, Minus, on conquerra l’univers, sans doute possible.
Là, on est unanime : l’Art est multiple, l’Art est divers et, question littérature, tout est beau : poésie, nouvelle, roman…
Et puis chacun rentre chez soi.
Le romancier, inspiré par cette bonne soirée, se remet au taf.
Le nouvelliste, seul devant son ordi, google son nom en espérant le trouver et s’avoue vaincu : il n’a jamais publié aucun roman, il… n’existe pas.
Parce que personne n’a envie de prétendre que le roman pourrait être supérieur à la nouvelle, mais, dans les faits, c’est ce que l’écrivain ressent parce que c’est ce que le monde lui répète à l’envi.
Et le voilà, alors qu’il est nouvelliste, à se rêver romancier : non par conviction ou par envie, mais par besoin de reconnaissance.
Parce que l’écrivain est humain et, comme tout humain, il a besoin de reconnaissance dans son travail.
Il y a un lecteur qui aime lire, mais pas QUE lire.
Certains soirs, il aime regarder une série télé ; d’autres soirs, il aime raider avec sa guilde dans WoW. Quand il a envie de lire, il ne sait où donner de la tête : les bibliothèques de ses amis débordent de titres et, parfois, il reste des heures sans savoir que choisir. Enfin, il pioche un lourd pavé, le commence et le repose, deux heures plus tard, pour rejoindre Morphée. Une semaine, un mois plus tard, à nouveau, il a envie de lire et réouvre le roman commencé et… patatra, il n’est plus immergé, il a même oublié le nom de certains persos.
Je suis humaine (enfin, presque 😛 ), je suis nouvelliste…
Pendant des années, je me suis répétée (mes amis m’ont répété) que la solution à mon besoin de reconnaissance, elle était simple, elle était basique…
Écris un roman, putain, c’est pas sorcier !
Mais je n’ai pas envie d’écrire un roman.
Parce que je n’en ai pas envie tout simplement.
Parce que je n’ai pas envie d’ajouter un nième titre à une liste déjà si longue dans laquelle moi même je ne sais jamais quel prochain livre attaquer.
Parce que j’ai envie d’écrire pour ce lecteur qui cherchait une histoire juste pour passer la soirée.
Parce que j’aime le court, je crois au court, j’ai envie de promouvoir le court… et que cette démarche (militante ?) commence sans doute par s’appliquer à moi-même, non ? 😉
Je me sens bien en 10.000 ou 20.000 signes et j’ai décidé d’explorer le 80.000/100.000 qui correspond assez à un épisode de série télé, le soir, pour finir une belle journée.
Et voilà pourquoi, monsieur le juge, je n’écrirai pas un roman…