Où je me pose sur Chronique vs Critique à l’occasion de Quand le téléphone sonne | When the Phone Rings (2024)

Il y a quelques semaines, je me suis dit que je voulais prendre le temps de rédiger un billet sur les notions de chronique vs critique, mais, comme souvent, le temps passe et…

Ici ou là, certaines chroniques ne sont que des réactions. Si chacun·e a tout à fait le droit d’exprimer son enthousiasme sur une œuvre aimée, pour lae lecteurice, la réaction peut être difficile à exploiter car elle ne permet pas de se faire un avis.
Un « c’est trop génial, c’est ma série préférée de tous les temps » ne me dit pas le sujet, l’ambiance, si ça a une chance de me plaire…

Il me semble que l’exercice de la chronique a pour objectif de guider lae lecteurice / spectateurice pour lui faire gagner du temps.
Elle doit donc donner suffisamment d’éléments de contexte, de comparaison peut-être (quel genre ? y a-t-il des œuvres similaires ?) sans dévoiler les surprises pour que chacun·e décide s’iel va regarder ou non.

La critique, elle, ne peut se construire qu’en décortiquant les éléments de l’œuvre analysés.
Je n’avais pas forcément mis le doigt dessus consciemment : parfois, lorsque je rédigeais un billet, je voulais juste transmettre les raisons de regarder ou non, mais, quand j’avais des choses à dire et que je balisais en indiquant que j’allais spoiler, cela ne me satisfaisait pas dans la mesure où ce que je voulais dire vraiment, de fait, se retrouvait après la balise / n’était donc pas forcément lu.

Le 4/1 est sorti le 12e et dernier épisode de Quand le téléphone sonne.
Avant de rédiger un billet sur ma ou mes séries préférées de 2024, je voulais attendre de le voir car ce drama faisait partie des « grosses attentes » de l’année.

Dans la foulée (le soir même), j’ai donc rédigé une chronique (que j’ai supprimée depuis) en essayant de noter le positif et j’ai donc masqué l’aspect critique derrière une balise Spoiler, mais, en me réveillant le lendemain matin, je doutais de plus en plus de mon billet… J’ai laissé tomber sur le moment.

Un Thriller qui aurait pu être sympa, dans la veine de Queen of Tears, mais… pfff…

12 épisodes de 60-70 minutes
Disponible sur Netflix sous-titré en français

Que raconte ce drama ?

Elle, muette, et Lui, engagé en politique, sont mariés depuis 3 ans, mais c’est un mariage sans amour : la fiancée originale, la sœur d’Elle, ayant disparu la veille du mariage, Elle est mariée à sa place, comme « otage ». C’est en tout cas ce que Lui lui affirme et il ne lui manifeste aucune attention.
Tout bascule un soir où Elle est enlevée : le Ravisseur téléphone à Lui pour le menacer et Lui, ne pouvant pas téléphoner à Elle pour s’assurer qu’elle est vivante, appelle sa belle-mère qui, dans le doute, préfère mentir et assure que sa fille est en sécurité.
Bref, persuadé que sa femme ne risque rien et qu’il s’agit d’une arnaque, Lui répond désinvoltement au Méchant qu’il peut bien tuer Elle. C’est la goutte de trop pour cette femme mal aimée.

On a donc un couple marié au bord du divorce, plongé dans les malentendus (je ne pense pas que je vous surprenne en vous disant que, forcément, Lui est secrètement très épris d’Elle), un Méchant Très Méchant et… la pire famille du monde : oubliez tous les reproches que vous aviez en tête au dernier repas de Noël, en vous disant que vous n’avez pas de bol. Lui est plus malchanceux que quiconque. Et c’est un poil too much.

Comme annoncé sur les réseaux, on est bien sur une vibe Queen of Tears : le couple marié au bord du divorce (ici voulu par Elle), détruit par les malentendus, le héros qui réalise qu’il n’a pas été un bon mari et qui se transforme en amoureux éperdu et sauveur, les Méchants dangereux…

La première partie / le début est pas mal, en vrai… tant qu’on ne connait pas l’identité du Méchant / le ressort de l’intrigue.

Ce billet sera donc une critique et non une chronique.

Tant qu’on ne sait pas ce qui se passe (qui est le Ravisseur), c’est assez prenant : Elle n’est en réalité pas muette et a récupéré le téléphone du kidnappeur. Elle l’utilise pour rappeler son mari dont elle croit, à tort, qu’il souhaite sa mort.
Cela libère leurs échanges : Elle peut dire ce qu’elle a sur le cœur, Lui peut réfléchir à tout ce qui a été planqué sous le tapis.

Puis l’histoire avance : les coups de fil (qui donnent son nom à la série) disparaissent et on découvre… une situation complètement… WTF ?

La famille de Lui :
Grand-Père a eu deux fils : un légitime et un illégitime beaucoup plus jeune (Lui).
Fils légitime a eu un fils qui s’avère être un psychopathe.
Ce fils (le Méchant de l’histoire donc) n’est pas soigné ni accompagné ni rien. Non, il est enfermé dans une cave jusqu’à ce qu’il commette plusieurs crimes (en sortant de temps en temps). Pour « résoudre » ça, Grand-Père décide de… l’assassiner.
Et confie Lui comme enfant de remplacement à son fils légitime et à sa femme.
Mais l’assassinat échoue (le Méchant sera donc vivant le temps de l’histoire) et la mère tue le Grand-Père, son beau-père (puisqu’il a voulu tuer son fils et qu’elle croit qu’il a réussi).

La famille d’Elle :
Grand-Père a assassiné leur fils car celui-ci a été témoin de l’existence de l’enfant psychopathe.
Le Père d’Elle (décrit comme protecteur) a conclu un deal avec le Grand-Père au lieu de simplement venger son fils.

Déjà, l’histoire est bien tirée par les cheveux, mais, parfois, on peut se laisser prendre par l’ambiance, le jeu des acteurices… quand arrive le dernier épisode (un 12e de l’histoire, donc) à la fois inutile et grotesque.
Alors que tout est résolu, Lui s’exile dans un pays en guerre (en vrai, tout au long de l’histoire, ses motivations n’ont jamais été très claires) et Elle… part le rejoindre. Très élégante, avec son petit foulard de marque, sans guide ni garde du corps, elle débarque dans une jungle annoncée comme zone de guerre pour se faire enlever. (Il la secourt quelques minutes plus tard tellement il est si fort qu’il peut déjouer tout et nimp…)

Depuis quelques jours, la série fait l’objet d’un bad buzz à cause d’une scène très courte à la fin.
Au moment où j’écris ces lignes, à cause d’un appel à boycott, la note sur Google est de 1,3…
Je n’avais pas remarqué la scène litigieuse : ça passe très vite et le sous-titrage français en change le sens, mais, dans tous les cas, je pense que je n’aurais pas eu le temps de lire (vraiment) les noms cités.
Pour plus de détails, je vous mets en explication le premier lien qui ressort avec les détails (hindustantimes.com).

Sans faire de politique (faux, l’art est politique), en me plaçant dans une perspective juste d’analyse de la fiction… c’est déjà une erreur en soi : on est à des kilomètres de la réalité, le héros est parti dans un pays imaginaire dans le 12e épisode… il n’y a rien qui justifie le choix de noms réels pour cette scène.

Mais, en réfléchissant à cette affaire, je me suis replongé dans ce que je pensais réellement de la série et… en vrai… elle est dérangeante sur toute la longueur.

J’explique :
L’introduction d’un personnage psychopathe dans un thriller n’est pas surprenante.
En général, le psychopathe est un simple antagoniste : peu importe son parcours, le héros, qui va l’arrêter (disons) est dans la réaction (protéger la société, empêcher de futures victimes).
Ici… plusieurs personnes sont liées au Ravisseur : la famille du héros l’a enfermé dans une cave puis a tenté de l’assassiner.
— Ben, oui, mais c’est ce qui explique l’intrigue où tout part en vrille.
— Oui… mais…

Je n’ai pas les connaissances médicales nécessaires pour évoquer le cas des psychopathes, mais, dans une intrigue, quand des gens commettent des actes problématiques (on ne soigne personne en l’enfermant dans une cave !), tu as toujours l’introduction d’un tiers / d’un point de vue extérieur / d’un médecin qui passe par là… qui représente la voix de la raison.
Où le héros pourrait… dire des choses.
Son père (biologique) l’a privé d’une vie normale jusqu’à l’adolescence (comment a-t-il été instruit ?) avant d’assassiner son neveu.
Le héros parle de se venger, mais, à aucun moment, quelqu’un dit ce qu’il aurait fallu faire, n’explicite ce qui ne va pas.
En gros, si je résume mon malaise, le propos de l’histoire, c’est quand même que la résolution des problèmes passe par l’exécution des personnes.

En plus de ça, la construction du père d’Elle est incompréhensible et l’échange important qui devait avoir lieu entre Lui et la sœur d’Elle (sa fiancée au départ) est évoqué, mais jamais montré.

Les réactions, du coup, que j’ai pu lire ici ou là sur les réseaux sont divisées en deux teams :
– d’un côté, celleux qui adorent, voire annoncent que c’est la meilleure série 2024 alors que… les acteurices jouent bien, la réalisation est propre, mais… l’intrigue est assez pétée ;
– de l’autre, celleux qui appellent à ce que la série tombe dans les limbes à cause de la scène qu’iels jugent problématique,
mais… et l’ensemble du propos ?

Si je résume :
1/ l’intrigue est cousue de fil blanc ;
2/ le Héros est plutôt perturbant car certaines choses ne sont pas expliquées ou on ne nous montre pas son apprentissage / évolution ; il a quand même placé l’Héroïne (qu’il dit aimer) dans un silence de 3 ans assez brutal (dans Queen of Tears, le couple ne communique plus suite à un drame ; ici, ben ?) ;
3/ il n’y a aucun balisage « moral » : personne n’évoque ce qu’a subi le Ravisseur ; sa mère est jugée pour le meurtre de son beau-père, mais personne ne commente ses actes à lui ; rien n’est mis en perspective…

Bref… ce ne sera certainement pas une série que je recommanderais…

Et puisque j’ai décidé d’assumer le côté spoilant des critiques, je vais voir avec le système des étiquettes / libellés sur ce blog pour distinguer chroniques et critiques.

A propos Cenlivane

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