9.700 signes #fantastique
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J’aurai trente ans demain, c’est officiel.
À moins que mes parents ne me mentent depuis des années.
À moins que mon acte de naissance ne soit pas le mien, mais celui d’un enfant enlevé à la naissance et à la place duquel on m’a mis, mal leur en a pris.
À moins que je ne sache plus quel jour on est.
J’aurai trente ans demain et je ne ferai rien. Pas de fête, pas de sortie délirante en boîte de nuit, pas d’éclate dans un bon resto avec mes potes. Non, rien.
Je n’ai envie de rien.
Parce que, demain, j’aurai trente ans et je n’ai ni boulot génial ni femme adorable (non pas que la mienne ne le soit pas, elle n’existe tout simplement pas) ni trois enfants galopant dans ma villa. De toute façon, je n’ai ni villa ni enfant.
Demain, je rentrerai du boulot assez tôt pour avoir le temps de broyer du noir plus longtemps, avoir le temps de ressasser tout ce qui ne me plaît pas, avoir le temps de bouder, seul, en paix, devant ma télé.
Du coup, quand le réveil sonne, je suis déjà d’une humeur massacrante. C’est parfait : avec la tête que je tire, personne ne prendra le risque d’engager la conversation à la machine à café. Une paix royale ! Un anniversaire nickel !
Comme si une brutale amnésie m’avait fait oublier Audrey.
Elle débarque à midi dans mon bureau dont j’ai tiré la porte pour attaquer un sandwich. Elle porte un grand sac isotherme vert fluo, gonflé, et elle crie : « Bon anniversaire et bon appétit ! »
Comment ai-je pu oublier Audrey ?
Audrey, la fille de la comptabilité. Audrey, ma meilleure amie. Ma seule amie diraient les mauvaises langues, mais c’est jouer sur les mots. C’est juste ma meilleure amie.
Plus je boude, plus elle rit. Quand je suis de mauvaise compagnie, elle me traîne dans les endroits les plus incongrus. Elle a même tenté de me faire faire du shopping en prétextant que ma garde-robe avait besoin de s’envoler vers de nouveaux horizons !