Tout ça, c’est encore la faute du prince charmant…

4.710 signes

L’histoire ne se termine jamais bien. Si, parfois, le prince épouse la princesse, il finit par la quitter pour l’une des Méchantes Sœurs. La princesse, après des soucis de santé, voire des soucis financiers, finit alcoolique et sa dernière aventure sentimentale (sentimentale, vraiment ?), quelques semaines avant sa mort, sera probablement un poivrot pathétique qui lui met la main aux fesses.
Il ne faut donc ni être princesse, ni même être Méchante Sœur, parce que personne n’a envie de vieillir auprès du prince, macho et fainéant, qui n’a aucune conversation.
Il ne faut pas non plus être la gentille fée parce que, après quelques centaines d’années à voir les autres se peloter grâce à nos bons soins, on finit aigrie et frustrée.
Il est donc probable que les seuls rôles valables soient ceux de la distribution masculine.
Pas le prince, on vient de vous dire qu’il n’avait aucune conversation.
Non. Le palefrenier, tranquille, sans souci, qui aide les dames à monter à cheval et qui, à chaque fois, se rince paisiblement l’œil sur leurs dessous : petites culottes aux couleurs bariolées, culottes de dentelles, absences de petite culotte… Car, oui, il n’y a pas de vie plus enviable de celle de notre palefrenier. Regardez-le bouchonner paisiblement ses chevaux, astiquer bricoles et selles, siffloter avant d’aller renverser la servante dans une botte de foin.

— En palefrenier ? C’est ton dernier mot ?
Le démon est embarrassé : la princesse trentenaire le regarde d’un œil mauvais et ne semble pas démordre de sa décision. Après tout, qu’à cela ne tienne, cette pimbêche est bien libre de tous ses mauvais choix. Une voix, au fond de lui, lui susurre que les choses devraient être différentes, mais puisqu’en palefrenier elle veut se réincarner…
Il signe le formulaire, applique quelques tampons, souffle doucement sur les papiers pour les faire sécher et la jeune femme repart, toujours avec son air décidé.

— C’est ça qui est bien avec la nouvelle génération, on n’a plus besoin de leur jouer de mauvais tours, ils s’en font tout seuls, ricane le collègue du démon qui a assisté à toute la scène.
Voilà une histoire qui devrait les occuper au moins quelques jours à la machine à café, la princesse qui voulait devenir palefrenier pour sauter la servante dans les blés. Pourtant, le démon est troublé : il regarde la jeune femme s’éloigner et, au fond de lui, la petite voix insiste. Parce que ce n’est pas ainsi que devraient se dérouler les contes de fées.

En rentrant chez lui, ce soir-là, il va directement dans la bibliothèque et attrape le livre que sa maman lui lisait quand il était petit – car, tout démon qu’il est, enfant il a été ! Il sait que le visage de la princesse lui est familier : il feuillette quelques pages et tombe sur le portrait du palefrenier. Son cœur se serre. Diable, que ce palefrenier est joli.
Le lendemain au travail, tout lui pèse, lui qui aime tellement ses tâches d’ordinaire : réincarnations foireuses, pactes douteux… plus rien n’a de saveur, ni les larmes sur les visages des damnés, ni les cris des humains escroqués. D’un clic de souris, il consulte le solde de ses congés : cela fait trois siècles qu’il trime sans se plaindre, il a pu accumuler quinze journées sans solde. Et il n’en faut pas plus pour que son plan ne prenne vie.

Il était une fois une ferme paisible, non loin d’un beau château. Dans cette ferme, vivait un palefrenier. Il vivait seul et il était heureux. Car la nature l’avait si généreusement doté que les dames du château venaient lui rendre de petites visites, mais, comme son portefeuille était moins épais, ne s’attardaient jamais plus qu’il ne fallait.
Et notre palefrenier aurait dû être heureux à jamais, mais un démon en avait autrement décidé.
Notre démon apparut donc à notre palefrenier et, en un sortilège dont seuls les démons ont le secret, lui ravit son cœur à tout jamais. Et, comme le palefrenier avait été bien éduqué par sa petite maman attentionnée, il alla de ce pas se suicider pour sa famille ne point déshonorer.

L’histoire ne se termine jamais bien. Le palefrenier a été toute sa vie au bas de l’échelle et, quand enfin il veut vivre sa vie comme il lui plaît, rien de bon ne peut en découler.
— En princesse ? C’est ton dernier mot ?
Le démon est embarrassé : le palefrenier trentenaire le regarde d’un œil mauvais et ne semble pas démordre de sa décision. Après tout, qu’à cela ne tienne, cet idiot est bien libre de tous ses mauvais choix. Une voix, au fond de lui, lui susurre que les choses devraient être différentes, mais puisqu’en princesse il veut se réincarner…
Il signe le formulaire, applique quelques tampons, souffle doucement sur les papiers pour les faire sécher et le jeune homme repart, toujours avec son air décidé.

Kiss Goblin (2020)

 12 épisodes d’une 10aine de minutes (2 heures séquencées)

Alors j’ai cliqué dessus à cause du mot « goblin », clairement. C’était assez court pour ne pas prendre de risques tout en me promettant du fantastique 😉
Kiss Goblin est un conte : une créature fantastique (un « monstre ») souhaite devenir humain et, pour cela, il doit embrasser dix humaines différentes et récupérer auprès de chacune d’elle un sentiment différent (bref, finir la quête avec tous les items).
Bien sûr, il tombe amoureux et, bien sûr, leur amour est impossible…
C’est mignon et je trouve l’usage de la mini-série au service du conte assez pertinent en fait.